Enfin! Un terrain de jeu immense vient de s'ouvrir aux amateurs de plein air puisque le parc national des Hautes-Gorges-de-la-Rivière-Malbaie accueille pour la première fois depuis sa création, il y a 30 ans, les visiteurs en période hivernale. Incursion dans un environnement grandiose.

Et la lumière fut!

L'ouverture du parc national des Hautes-Gorges-de-la-Rivière-Malbaie pendant l'hiver tient essentiellement à un fil. Un fil électrique, celui de la ligne qui a dû être construite afin de permettre l'électrification des installations. Longue de 23 km, elle a accaparé à elle seule près du tiers du budget (9,2 millions) alloué au développement des activités hivernales. «L'ouverture du parc l'hiver était attendue depuis très longtemps, remarque Daniel Groleau, qui en est le directeur. Mais on avait besoin de ce chantier: on n'aurait pas pu opérer le parc [dont le chalet d'accueil] uniquement avec des génératrices pendant l'hiver, contrairement à l'été, à cause du gel.»

Ce faisant, les 10 chalets Écho construits dans la dernière année disposent d'une cuisine bien équipée et de l'eau chaude courante: un luxe bien apprécié après une journée dans le froid. Mention très bien, d'ailleurs, pour ces habitations conçues par la Société des établissements de plein air du Québec (SEPAQ), fonctionnelles et confortables, qui peuvent accueillir quatre personnes. Certains sites de camping seront aussi électrifiés l'été prochain, une autre première pour les Hautes-Gorges qui n'offrent pour le moment que des sites rustiques (une subvention additionnelle de 1,4 million a été accordée pour ce volet).

Un nouveau secteur

L'ouverture du parc pendant l'hiver est aussi une bonne nouvelle pour les visiteurs en période estivale, qui verront leur champ des possibles s'agrandir avec le développement d'un tout nouveau secteur, situé à l'est de l'Équerre, ce lieu bien nommé où la rivière Malbaie effectue un improbable virage à 90 degrés. Un sentier de 4,2 km (aller) a été tracé dans cette autre vallée que seuls les animaux étaient autorisés à fréquenter auparavant. Mieux: le sentier sera allongé de 5 km dès le printemps prochain, pour un total de quelque 18 km aller-retour. Un refuge chauffé, pouvant accueillir huit personnes, sera aussi construit en 2019 à l'Équerre, ce qui offrira un bon camp de base à ceux et celles qui voudront fouler cette contrée reculée.

L'Acropole

Le sentier menant au sommet de l'Acropole des Draveurs, le plus célèbre du parc - et peut-être même du Québec - n'est pas ouvert l'hiver et il ne le sera probablement jamais. «Pour des raisons de sécurité, tranche Daniel Groleau. Ce n'est pas un versant de montagne comme les autres : c'est une paroi avec des pentes de 30 à 40 % qui posent des enjeux de sécurité importants, l'hiver [...]. Et en cas d'incident, il n'y a pas de voie d'évacuation.» Dommage. En contrepartie, la SEPAQ travaille sur un autre sentier qui permettrait de faire l'ascension jusqu'au sommet par l'arrière, suivant un parcours moins escarpé et périlleux quand le sol est glacé. La SEPAQ compte aussi défricher, sur la même rive de la rivière Malbaie, un nouveau parcours menant au lac Noir qui pourrait à son tour être relié à celui de l'Acropole, et un autre encore qui mènera au sommet du mont William-Hume-Blake. De la sorte, le parc n'aura plus que des sentiers linéaires à proposer aux randonneurs, mais aussi des boucles.

PHOTO HUGO-SEBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

La végétation est exceptionnellement diversifiée dans le parc, de la forêt de bouleaux dans le creux de la vallée à la toundra aux plus hauts sommets.

Une reine

Elle est parfois bleue, noire, dorée, vive, massive ou délicate, mais surtout, elle est omniprésente. La glace est la reine du parc des Hautes-Gorges-de-la-Rivière-Malbaie, dont elle dicte souverainement le décor, depuis le lit de la rivière - où l'une des plus belles patinoires du Québec a été aménagée - jusqu'au sommet des falaises rocheuses qui l'encadrent, recouvertes de chutes d'eau gelée que seuls les grimpeurs chevronnés réussiront à conquérir (la Pomme d'Or, notamment, l'une des voies d'escalade les plus prestigieuses du Québec). Sept kilomètres de sentiers sont aménagés sur la rivière, à parcourir à vélo à pneus surdimensionnés (fatbike), à ski hors-piste ou à pied, chaussé de crampons. Il faut quelques mètres pour s'habituer à l'idée de marcher sur l'eau, sans sursauter au moindre craquement, sans craindre un bain glacé, et apprécier sans arrière-pensée ce décor grandiose. Cette vallée unique, façonnée par les dernières glaciations, vaut à elle seule les cinq heures de route depuis Montréal.

Silence

Tendre l'oreille et ne rien entendre, sinon le bruit du vent. Une, cinq, vingt minutes, peut-être une journée entière. Le silence est l'un des points de contraste les plus forts - et les plus surprenants - entre la dernière visite estivale et la première en hiver. Il faut dire que les visiteurs sont nettement plus rares, mais les animaux aussi se font discrets, les uns partis se réchauffer dans le Sud, les autres plongés en hibernation. On croise parfois des orignaux, plus souvent leurs traces, et des employés ont aperçu à quelques reprises des loups, mais il s'agit de cas isolés. Quant aux voitures, elles risquent peu de troubler ce calme parfait: interdites de séjour dans le parc l'été, elles le seront tout autant l'hiver (mais elles pourront s'y avancer un peu plus). Un trésor.

Photo Hugo-Sebastien AUBERT, La Presse

Un sentier de 7 km de vélo à pneus surdimensionnés a été aménagé sur le lit de la rivière gelée.

Croisière

Les croisières en bateau-mouche sur la rivière Malbaie sont remplacées, l'hiver, par une navette sur chenilles à bord de laquelle on longe le cours d'eau jusqu'à l'Équerre. Ce faisant, il est possible d'explorer le fond de la vallée avec ou sans effort physique: «Sept kilomètres [14 pour l'aller-retour], ça peut être long pour les enfants», remarque Daniel Groleau. Les passagers ont la possibilité de revenir en mode actif - marche, vélo, ski - ou en mode passif, avec la navette. Un naturaliste sera présent à quelques reprises cet hiver pour décrire les attraits naturels du parc, ce qui ajoutera un volet éducatif à la balade. On espère que ces exceptions deviendront bientôt la norme. Un billet coûte entre 19 et 37 $ (gratuit pour les 17 ans et moins).

Carnet de bord

Le parc des Hautes-Gorges-de-la-Rivière-Malbaie est situé à quelque 450 km de Montréal. Il n'y a que 10 chalets Écho proposés en location - et les sites du camping du secteur Le Cran, sans services -, qui afficheront vite complet. On pourra alors se rabattre sur La Malbaie, qui propose une variété d'hébergements, à 40 minutes de route.

Il n'y a ni réseau cellulaire ni restaurant dans le parc. On peut tout de même y trouver quelques denrées de base. Prévoyez le coup.

La SEPAQ offre la location de skis Hok, de vélos à pneus surdimensionnés, de raquettes et de crampons. Il faut toutefois apporter ses patins et ses skis (hors-piste ou de fond). La glissade sur tube est gratuite.

https://www.sepaq.com/pq/hgo

Photo Hugo-Sebastien AUBERT, La Presse

Une navette assure la liaison quotidienne entre le secteur de l'Equerre et le bureau d'accueil. On pourra ainsi explorer plus facilement le nouveau secteur aménagé dans l'est du parc.