Le mois dernier à Wimbledon, le tournoi de la Biélorusse Victoria Azarenka s’est terminé sous les huées. Les spectateurs la chahutaient parce qu’elle n’avait pas serré la main de sa rivale, l’Ukrainienne Elina Svitolina.

Un mois plus tôt, c’était au tour de Svitolina d’être huée, cette fois par le public français à Roland-Garros, parce qu’elle n’était pas allée féliciter celle qui venait de la battre, la Biélorusse Aryna Sabalenka, au filet.

Les organisateurs de l’Omnium Banque Nationale ne souhaitent évidemment pas un tel dénouement à Montréal, et ils ont pris les moyens pour ne pas revivre la situation.

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

La Biélorusse Victoria Azarenka sur le court central du Stade IGA, lundi

Ainsi, si une des trois joueuses ukrainiennes (Svitolina, Anhelina Kalinina ou Lesia Tsurenko) affronte une joueuse de la Russie ou de la Biélorussie, le message suivant sera diffusé sur les écrans géants :

« En raison de l’invasion russe en Ukraine, qui est toujours en cours, les joueuses ne se serreront pas la main à la fin de ce match. Nous vous remercions de respecter les deux athlètes pendant et après le match, et de votre compréhension dans ces circonstances difficiles. »

« La semaine dernière à Washington, ils ont fait une annonce comme ça en avance, c’était une première », a expliqué Valérie Tétreault, directrice du volet montréalais de l’Omnium Banque Nationale.

Ce n’était pas tellement le fun de voir Azarenka se faire huer à Wimbledon après son match.

Valérie Tétreault, directrice du volet montréalais de l’Omnium Banque Nationale

Aucun match de premier tour ne mettra aux prises des joueuses des pays concernés, mais Sabalenka a rendez-vous avec la gagnante du match opposant Tsurenko et la Croate Petra Martić au deuxième tour.

Solution simple

Au bout du fil, Ahmad Nassar semble un brin incrédule que la gestion des joueuses issues des pays en guerre soit encore un sujet de discussion, un an et demi après le début de l’invasion de l’Ukraine.

Nassar est le directeur exécutif de la Professional Tennis Players Association (PTPA), essentiellement l’association des joueurs. Il représente à la fois les joueurs de l’ATP et de la WTA, mais le problème est plus aigu du côté féminin, puisqu’à l’ATP, on ne retrouve aucun Ukrainien dans le top 150 mondial.

« C’est dommage qu’on ait abandonné les joueuses à elles-mêmes pendant plus d’un an », déplore Nassar en entrevue avec La Presse.

Je suis surpris qu’on ait cette conversation à l’été 2023, plutôt qu’à l’été 2022. Les gens vont se demander : pourquoi parle-t-on encore de ça ? La solution me semble assez simple, non ?

Ahmad Nassar, directeur exécutif de la Professional Tennis Players Association

Nassar est établi dans la région de Washington, et était donc sur place au tournoi de la semaine dernière, quand le message a été diffusé à l’occasion d’un match entre Svitolina et Azarenka. Il l’a été avant le match, de même qu’à l’issue de la première manche.

« Les spectateurs ont lu le message et ont compris. Ça a donc un effet immédiat, car ça évite toute confusion, ça évite de croire qu’un joueur fait exprès pour ne pas donner la main, car on comprend que c’est lié à des facteurs non reliés au match. »

En point de presse lundi, Svitolina a indiqué avoir été prévenue par Steve Simon, directeur de la WTA, qu’un tel message serait diffusé. « Je l’avais dit après le match contre Vika [Azarenka] à Wimbledon qu’il devrait y avoir une annonce, et la WTA a réagi. Je pense que ça a bien été, il n’y a pas eu de huées. »

C’est la bonne chose à faire. Je suis simplement heureuse que notre décision [de ne pas serrer la main] soit respectée.

L’Ukrainienne Elina Svitolina

Svitolina, ancienne numéro 3 au monde, actuellement 26e, est une des joueuses les plus engagées au sujet de la guerre dans son pays. Sur son compte Instagram est épinglée une photo d’elle en compagnie du président de l’Ukraine, Volodymyr Zelensky. Il y a deux semaines, Svitolina a rappelé sur Twitter qu’elle refusait de serrer la main à des joueuses russes et biélorusses, en réaction à une histoire similaire en escrime.

PHOTO TIRÉE DU COMPTE INSTAGRAM D’ELINA SVITOLINA

Elina Svitolina et le président de l’Ukraine, Volodymyr Zelensky

Azarenka paraissait quant à elle peu enchantée de revenir sur le sujet, après son éclatante victoire de 6-3, 6-0 contre la Polonaise Magda Linette. C’est du moins ce qu’on a déduit de son long soupir en début de réponse.

« Je suis tellement tannée d’en parler. J’espère que ces déclarations vont faire en sorte qu’on n’en parlera plus. Si j’affronte Kalinina, je ne le sais pas… On s’est donné la main quand on s’est affrontées à Adélaïde cette année.

« C’est un choix personnel des athlètes ukrainiens. Ce ne sont pas des pratiques communes, je ne le ferais pas, mais je ne suis pas en position de juger. Mais ce n’est pas commun dans le sport. Sauf que comme je l’ai souvent dit, je respecte le choix des autres. 

« Si ces messages aident à ce que la foule comprenne la situation, c’est probablement un bon processus pédagogique. Mais je ne pense pas que les poignées de main sont des solutions pour changer des vies. »