Depuis quelques jours, Kim Boutin ne se sentait pas bien. Elle était à ce point enrhumée qu'elle est restée blottie sous ses couvertures, hier, au lieu de participer à l'entraînement matinal avec ses coéquipières. Un repos salutaire, semble-t-il, puisque la patineuse de Sherbrooke a décroché ce matin (heure de l'Est) le bronze sur 500 m, à sa première compétition olympique.

«Je suis vraiment contente, j'ai fait un super départ. C'est ma marque de commerce, j'y suis allée avec ce que j'étais capable de faire. Après ça, je ne me souviens plus de la course, il est arrivé plein de choses. Je suis bien fière», a dit Kim Boutin, rencontrée dans la zone des médias après la cérémonie des médailles. Ce podium était, pour elle, inespéré. À son baptême olympique, sa présence en demi-finale la satisfaisait déjà grandement. «Le reste, c'est juste du bonus.»

Il y a deux jours, la patineuse a avisé son entraîneur Frédéric Blackburn de son état. «Vois comment tu vas aller demain. S'il faut que tu dormes, ne mets pas de réveille-matin, dors», lui a-t-il conseillé. À 24 heures de la compétition, il l'a rassurée. «C'est arrivé que je te donne congé une journée et, le lendemain, tu as fait des entraînements de 500. Ce n'était pas un problème.»

Rebondissements

Mardi matin, le parcours de la Sherbrookoise sur l'anneau du Palais des glaces de Gangneung a été riche en rebondissements. Lors de la demi-finale, elle a franchi la ligne d'arrivée sur les fesses, glissant sur quelques mètres après une chute. En finale, elle a remporté le bronze sur disqualification de la favorite de la foule, la Coréenne Choi Min-jeong. La décision des officiels s'est fait attendre.

Pendant que l'Italienne Arianna Fontana, nouvelle championne olympique, paradait sur la glace avec son drapeau vert, blanc et rouge, Boutin (4e) attendait un revirement de situation, en fixant le tableau des résultats, sans trop y croire. À ses côtés se trouvait Marianne St-Gelais, elle-même disqualifiée dès les quarts de finale.

«Une chance que Marianne était avec moi. Elle m'a dit: "Tu restes là!" Elle savait qu'il se passait quelque chose. Elle a fait preuve d'une très grande maturité et de leadership.» Quand le verdict est tombé, les deux coéquipières ont crié, ont sauté de joie, se sont enlacées. L'entraîneur Frédéric Blackburn les a rejointes.

«Je voyais que les arbitres étaient en train de discuter. J'attendais, j'attendais. Quand j'ai vu ça, j'ai éclaté, a dit Blackburn. Sur le départ, j'ai été impressionné par Kim. Elle est partie en cinquième position pour remonter deuxième. On a rarement vu ça. Je m'amuse depuis que je la coache à l'appeler Kimmy Gonzales, comme la souris Speedy Gonzales. À chaque ronde, je lui disais: "Tu m'impressionnes, ça n'a pas de sens comment tu pars vite."»

Auteure de neuf podiums en Coupe du monde cette saison (dont deux sur 500 m), Boutin souligne que cette distance n'était pas sa force. Son coach confirme. «Physiquement, c'est une de ses meilleures distances, mais à haute vitesse, à certains moments, elle perd sa technique. Dans la préparation, cette année, on a mis beaucoup l'accent sur la vitesse et le maintien technique. Elle a quand même fait de petites erreurs dans sa course, elle peut encore s'améliorer, maintenir sa position et dépasser à la fin.» Avec du travail, elle peut faire encore d'énormes progrès sur courte distance, selon lui.

Le 500 m a longtemps été la bête noire de la patineuse. «Elle avait de la misère à faire des 500 m en début de cycle olympique, c'était un gros stress, a dit Blackburn. Elle est partie de là à gagner une médaille aux Jeux. L'année passée, après les Championnats du monde, c'est elle qui s'est dit: "Je veux plus de 500 m, je veux m'améliorer au 500 m, je suis prête et je veux essayer." Ça a donné ça.»

Il y a deux ans, le podium olympique était bien loin dans les pensées de Kim Boutin. Après avoir fini quatrième des Mondiaux en 2015, elle avait dû composer avec des maux de dos chroniques, une panne de confiance, une crise d'identité. Elle a tout arrêté, en pleine saison, pour se reconstruire. «On a l'impression que c'est facile, que les athlètes sont là parce qu'ils sont bons, mais il y a tellement d'efforts derrière ça, tellement de travail. C'est ce qui est gratifiant», a-t-elle dit.

Était-ce à cela qu'elle pensait aujourd'hui quand elle a foulé la glace? «J'ai été émue avant la course, avant d'embarquer sur la glace, j'ai vu la foule, j'ai eu les yeux pleins d'eau. Je me suis dit: "Ce n'est pas le temps!" Ça m'a juste donné le go: va t'amuser.»

St-Gelais disqualifiée

Après avoir été disqualifiée d'entrée de jeu, mardi matin, lors des quarts de finale du 500 m féminin, Marianne St-Gelais, 27 ans, s'est présentée devant les médias, triste, avec des points d'interrogation plein la tête. Ses espoirs de monter sur le podium sur 500 m ont rapidement été réduits à néant. Médaillée d'argent à Vancouver sur la distance, elle n'a pu chasser la guigne qui l'avait aussi accompagnée à Sotchi en 2014, alors qu'elle avait été éliminée en demi-finale.

«C'est vraiment crève-coeur, surtout que c'est une décision inexplicable, ça ne s'est jamais vu en courte piste, a-t-elle dit. Encore maintenant, je ne l'ai pas, la réponse, et je pense que je ne l'aurai jamais. C'est normal d'être agressif sur un départ, c'est normal de vouloir prendre sa place sur un 500 m, ce n'est pas la première fois que quelqu'un chute ou que ça brasse un petit peu, mais c'est la première fois que quelqu'un est disqualifié là-dessus.

«Je l'aurais fait tomber, mais je suis carrément devant elle quand elle chute. C'est la vie et c'est comme ça. Même si on regarde les images, qu'on essaie de tourner la scène 14 000 fois, le résultat ne va pas changer. On passe à autre chose.»

La patineuse a trois autres épreuves à son programme à PyeongChang.