(Genève) Le Comité international olympique recommande un bannissement historique des Russes et des Bélarusses du sport mondial, la FIFA lui donne immédiatement satisfaction : la Russie a été exclue lundi du Mondial de football, compétition planétaire qu’elle avait accueillie il y a quatre ans.

Les différentes sélections comme les clubs russes sont privés « jusqu’à nouvel ordre » de toute compétition internationale, une décision conjointe de la FIFA et de l’UEFA, cette dernière confirmant par ailleurs la résiliation de son contrat de commandite avec le géant gazier Gazprom, estimé à 40 millions d’euros annuels.

Pour l’équipe nationale, cela signifie qu’il n’y aura pas de barrage le 24 mars contre la Pologne qui avait de toute façon dit sa détermination à boycotter la rencontre.

La Fédération russe de football a dit être « en désaccord total » avec cette mesure qui « aura un effet discriminatoire sur un grand nombre de sportifs, d’entraîneurs, d’employés de clubs ou de la sélection nationale ».

« Bravo à la FIFA et à l’UEFA », a tweeté le premier ministre britannique Boris Johnson, voyant dans cette décision « un message puissant de la part de la communauté sportive internationale indiquant que nous ne tolérerons pas les attaques odieuses de Poutine contre la liberté ».

L’Euroligue a également suspendu les trois clubs russes qui prennent part à la compétition phare du basket européen, mais les sanctions annoncées par la FIFA et l’UEFA sont la concrétisation la plus spectaculaire à la recommandation du CIO qui rompt avec sa longue tradition de neutralité dans les domaines politiques et géopolitiques : un bannissement pur et simple des Russes et des Bélarusses du sport mondial pour prix de l’invasion de l’Ukraine.

Si la puissante FIFA devait être imitée par les autres fédérations internationales, la Russie rejoindrait la Yougoslavie de Slobodan Milosevic et l’Afrique du Sud de l’apartheid dans l’histoire des grands parias du sport international.

Pression sur la WTA

La Fédération internationale de hockey sur glace a suivi l’exemple, annonçant lundi que la Russie et la Biélorussie étaient suspendues de toutes compétitions de clubs ou de sélections « jusqu’à nouvel ordre », une décision qui pourrait priver l’équipe russe de participation aux Mondiaux-2022 en mai en Finlande.

Dans la foulée, World Rugby a pris exactement la même décision, ce qui met fin aux minces espoirs russes de qualification pour la prochaine Coupe du monde, disputée en 2023 en France. La fédération internationale de rugby a aussi décidé la « suspension totale et immédiate de la Fédération russe de rugby de son statut de membre de World Rugby jusqu’à nouvel ordre ».

La Fédération mondiale de badminton (BWF) a également annulé toutes ses activités en Russie et en Biélorussie, a interdit à ces deux pays d’accueillir des compétitions « jusqu’à nouvel ordre » et a ordonné que leurs drapeaux et hymnes soient bannis de tous les tournois de la BWF.

Les autres fédérations vont être mises sous pression, comme celle de volley-ball, qui ne s’est pas exprimée, mais a été prévenue par la France et la Pologne, respectivement champions olympiques et du monde, qu’elles boycotteraient le Mondial cet été s’il restait organisé en Russie.  

De même, plusieurs joueuses de tennis ukrainiennes ont mis en demeure la WTA de réagir, s’étonnant de son silence quand elle avait été prompte à voler au secours de la Chinoise Peng Shuai.

Elina Svitolina, qui devait affronter la Russe Anastasia Potapova mardi au premier tour du tournoi de Monterrey, a annoncé qu’elle ne jouerait plus contre des adversaires russes ou biélorusses tant que la WTA, l’ATP et l’ITF, les instances qui gèrent le tennis mondial, n’auront pas suivi les recommandations du CIO « d’accepter les ressortissants russes ou biélorusses seulement en tant qu’athlètes neutres, n’affichant pas de symboles, de couleurs, de drapeaux ou d’hymnes de leur nation ».

« En conséquence de quoi, je tiens à annoncer que je ne jouerai pas demain (mardi, NDLR) à Monterrey, ni ne participerai à aucun match contre des joueuses de tennis russes ou biélorusses tant que nos organisations n’auront pas pris cette décision nécessaire », a écrit la 15e joueuse mondiale lundi sur Twitter.

Décoration retirée à Poutine

Pour justifier sa recommandation, qui intervient à quelques jours du début des Jeux paralympiques de Pékin (4-13 mars), le CIO met en avant un « dilemme » : « Alors que les athlètes de Russie et de la Biélorussie pourraient continuer à participer à des évènements sportifs, de nombreux athlètes ukrainiens sont empêchés de le faire en raison de l’attaque contre leur pays. »

Pour le résoudre, elle « recommande aux Fédérations internationales de sport et aux organisateurs de manifestations sportives de ne pas inviter ou de permettre la participation d’athlètes et de représentants officiels russes et biélorusses aux compétitions internationales ».  

Autre mesure, symbolique, mais forte : le CIO a aussi retiré « l’ordre olympique » – distinction honorifique attribuée à des personnalités « ayant illustré l’idéal olympique » – à tous les hauts responsables russes, à commencer par le président Vladimir Poutine, qui s’emploie depuis deux décennies à faire du sport un outil de promotion intérieure et internationale.

Stanislav Pozdniakov, président du comité olympique russe, a estimé dans un communiqué que la décision du CIO allait « à l’encontre des réglementations et de la charte, en premier lieu l’esprit du mouvement olympique qui a vocation à unir et pas à diviser, surtout quand il s’agit de sportifs ou d’égalité des participants au mouvement olympique ».

La question est particulièrement urgente pour les Jeux paralympiques, qui débutent vendredi à Pékin.

« Lorsque, dans des circonstances très extrêmes », mettre en place ces mesures « n’est pas possible à court terme pour des raisons organisationnelles ou juridiques », le « CIO laisse à l’organisation concernée le soin de trouver sa propre voie ». Il renvoie donc la décision au Comité international paralympique, lui réitérant son « plein soutien ». Celui-ci a prévu de s’exprimer mercredi.

« Histoire »

Autre aspect spectaculaire de la communication du CIO lundi, sa rupture avec sa tradition d’exigence de neutralité des sportifs.

Le CIO a ainsi salué « les nombreux appels à la paix lancés par les athlètes, les responsables sportifs et les membres de la communauté olympique mondiale ». Il « admire et soutient en particulier les appels à la paix des athlètes russes », a-t-il poursuivi.

Le tennisman russe Andrey Rublev comme ses compatriotes Alex Ovechkin (hockey sur glace) ou Pavel Sivakov (cyclisme), ont clairement dit leur opposition à la guerre engagée par leur pays.

Ils sont désormais menacés de devoir en payer un prix professionnel élevé si leurs fédérations suivent les recommandations du CIO. Pour le footballeur international Fedor Smolov, c’est déjà le cas.  

Sans attendre le CIO, plusieurs pays avaient déjà dit leur refus d’accepter la présence de Russes sur leur territoire pour y disputer des compétitions.  

La finale de la Ligue des champions a été retirée à Saint-Pétersbourg par l’UEFA et le Grand Prix de Russie de F1 prévu à Sotchi a été annulé, sept mois avant sa tenue prévue. Deux mesures très fortes touchant des évènements symboliques du « soft power » sportif russe.  

Interrogé par l’AFP avant même la nouvelle déclaration du CIO, Pim Vershuuren, chercheur en géopolitique du sport à l’Université de Rennes, estimait déjà que les « décisions prises cette semaine étaient historiques, à la mesure du choc ». Et de prévenir : celles à venir, et qui sont donc tombées lundi, « feront précédents et histoire ».