(Pékin) Dans les heures qui ont précédé la danse rythmique aux Jeux olympiques de Pékin, Marie-France Dubreuil pouvait ressentir la nervosité familière avant une compétition.

Cela fait 15 ans qu’elle et son mari Patrice Lauzon ont patiné en compétition.

Mais les Canadiens, qui ont remporté consécutivement des médailles d’argent aux Mondiaux et cinq titres nationaux avant de prendre leur retraite en 2007, ont peut-être été les personnes les plus occupées au Palais omnisport de la capitale lors des épreuves de danse sur glace.

Dubreuil et Lauzon ont été les entraîneurs de 10 des 23 équipes de danse sur glace en compétition à l’Académie de glace de Montréal, incluant les nouveaux champions olympiques français Gabriella Papadakis et Guillaume Cizeron.

Étaient-ils aussi nerveux derrière la bande que sur la patinoire ?

« C’est amusant parce que Patrice m’a demandé ça dans la voiture aujourd’hui, a déclaré Dubreuil après la danse rythmique, samedi. Je pense que nos corps se souviennent de la routine d’une journée de compétition. Et mon corps veut être nerveux. »

Lauzon a souligné que c’est un autre type de nervosité.

« Quand je patinais, j’étais très conscient de signes de mon corps, a-t-il expliqué. Est-ce que je me sens bien, fatigué, comment vont mes jambes ? Et en tant qu’entraîneur, cela n’a pas vraiment d’importance.

« Aujourd’hui, j’étais très stressé, mais ce n’est pas du tout le même niveau. Et en fait, avoir autant d’équipes, je suppose, facilite les choses. Parce que tout va vite, vous êtes plus nerveux pour la première équipe, puis vous êtes pris dans le tourbillon du moment. »

Recette du succès

Dubreuil, Lauzon et l’ancien patineur français Romain Haguenauer ont cofondé l’académie en 2014. Ils avaient une équipe aux Jeux olympiques de Sotchi cette année-là. Ils dirigeaient quatre équipes quatre ans plus tard à PyeongChang, dont les champions olympiques canadiens Tessa Virtue et Scott Moir.

N’ont-ils jamais rêvé de 10 ?

« Non, répond Lauzon en riant. C’est allé assez vite. »

Moir, quant à lui, a été embauché il y a un an comme entraîneur-chef d’une académie de glace satellite dans le sud de l’Ontario.

Parmi les autres équipes installées à Montréal : les médaillés olympiques de bronze Madison Hubbell et Zachary Donohue, leurs coéquipiers américains Madison Chock et Evan Bates, les Espagnols Olivia Smart et Adrian Diaz, les Chinois Wang Shiyue et Liu Xinyu, et les Canadiens Laurence Fournier Beaudry et Nikolaj Soerensen, qui se sont classés neuvièmes, lundi.

Dubreuil et Lauzon croient que le succès de leur programme réside dans l’environnement d’entraînement holistique, amusant et sécuritaire qu’ils recherchent constamment.

« Nous prenons soin de l’être humain plus que de toute autre chose, a ajouté Lauzon. Je pense que c’est ce qui attire les gens. »

Il n’y avait certainement pas un sentiment de compétition féroce entre les équipes à Pékin. Au lieu de cela, on a été témoin de nombreuses étreintes chaleureuses et des félicitations après avoir quitté la glace.

Fournier Beaudry a constaté qu’assise dans le vestiaire, laçant ses patins avant d’aller sur la glace, elle était entourée de ses camarades d’entraînement à Montréal. Cela a aidé à apaiser la nervosité de ses débuts olympiques.

« Nous sommes tous dans la pièce en train de stresser et de respirer ensemble », a-t-elle confié.

Émulation

Quant à ce qui permet à tant de danseurs sur glace du même programme d’être uniques en patinage artistique, Soerensen l’a comparé à n’importe quel autre environnement d’équipe. Il a cité en exemple l’équipe canadienne de patinage de vitesse courte piste qui s’entraîne à Montréal.

« Ils s’entraînent côte à côte tous les jours, c’est de la compétition toute la journée, ils se poussent les uns les autres et c’est pourquoi les gens s’améliorent, a-t-il dit. Donc, pouvoir recréer cela en danse sur glace est quelque chose dont nous sommes extrêmement reconnaissants. »

Lorsque Virtue et Moir ont effectué leur retour à la compétition en 2016, ils ont déménagé à Montréal pour s’entraîner avec Dubreuil et Lauzon, au lieu de retourner au Michigan avec leur ancienne entraîneuse, Marina Zoueva. Virtue et Moir ont félicité Dubreuil et Lauzon pour leur approche holistique après avoir remporté l’or à PyeongChang, devenant ainsi les danseurs sur glace les plus décorés de l’histoire olympique.

Les patineurs à Pékin ont fait écho à ces commentaires.

« Ce n’est pas tangible, a expliqué Soerensen. C’est difficile de mettre le doigt dessus. L’énergie que Marie et Patrice ont mise en place dès le départ à l’aréna, il n’y a tout simplement pas de place pour les conneries. C’est une énergie, c’est une vibration, où les gens savent qu’il n’y a pas de place pour une mauvaise compétition sur la glace.

« Les entraîneurs ont fait un excellent travail pour nous garder tous dans un état d’esprit positif. »

Cizeron a noté que le groupe est une « communauté ».

« Nous sommes tous de très bons amis », a-t-il dit.

Ce n’est certes pas la première fois qu’un entraîneur a des patineurs de plus d’un pays à des Jeux olympiques. L’entraîneur canadien Brian Orser, par exemple, a eu des athlètes de plusieurs pays à la fois et changeait à la hâte de veste d’une équipe à l’autre entre les patineurs.

Dubreuil, âgée de 47 ans, et Lauzon, 46 ans, ont choisi de rester neutres. Tous deux portaient des manteaux noirs chics.

Aucun des patineurs n’a dit se sentir lésé par les allégeances partagées de leurs entraîneurs.

C’est plutôt l’inverse.

« Nos entraîneurs sont extrêmement professionnels. Ils savent partager leur attention de manière égale, a mentionné Soerensen. Et donc vous ne vous sentez jamais seul. Vous n’avez pas l’impression d’être trop nombreux. Au contraire, c’est comme aller à une fête avec tous vos amis et c’est juste un bon moment. »