Nicolas Gill analyse le tirage au sort du tournoi de judo des Jeux olympiques de Tokyo, où Antoine Valois-Fortier affrontera au premier tour un Grec qui l’a déjà battu.

(TOKYO) « Dur mais jouable... » Le tirage au sort à peine fini, Nicolas Gill nous écrivait ce bref commentaire au sujet du tableau d’Antoine Valois-Fortier, jeudi après-midi.

« Il y a des tableaux plus faciles que le sien, aucun doute, il y en a des plus durs aussi », a analysé, une heure plus tard, le directeur haute performance de Judo Canada, joint au Village des athlètes. « C’est les Jeux olympiques. Donc, mis à part un premier combat plus facile, tu rentres dans le vif du sujet assez rapidement. »

Le premier adversaire de Valois-Fortier est un Grec de 28 ans, Alexios Ntanatsidis, 16favori. En mai, au Grand Chelem de Bakou, il a vaincu le Québécois lors de leur unique affrontement, le faisant culbuter pour un ippon sans concession après 34 secondes.

« On ne peut pas dire qu’Antoine a fait un très bon combat, a convenu Gill. S’il fait ce qu’il a à faire, c’est quelqu’un qu’il devrait battre. Ce n’est pas nécessairement un combat facile. »

« Ce sera primordial qu’il reste concentré sur ce combat et qu’il ne pense pas trop loin. Il faut qu’il mette son énergie à sa préparation pour ce premier affrontement. »

— Nicolas Gill, directeur haute performance de Judo Canada

Au deuxième tour chez les moins de 81 kg, Valois-Fortier pourrait devoir se mesurer au Russe Alan Khubetsov, contre qui il a une fiche positive de deux victoires et une défaite. En quart de finale, le Belge Matthias Casse, champion mondial et premier favori, se profile. Il a partagé les deux duels contre le Canadien.

Absent des mondiaux pour éviter les blessures – il s’est étiré du cartilage à l’abdomen lors d’un tournoi en mars –, Valois-Fortier courait le risque de perdre son statut de tête de série. Finalement, le tirage a fait en sorte qu’il a abouti dans la même partie du tableau que s’il avait conservé sa place comme huitième tête de série, maintenant détenue par le Russe Khubetsov.

« Honnêtement, c’est un peu ce à quoi je m’attendais, a confié Gill. Compte tenu de la profondeur de la catégorie, être une tête de série ne changerait pas grand-chose. Il se retrouve exactement au même endroit. Le hasard lui a fait rattraper sa malchance. »

Les dés sont jetés

Maintenant que les dés sont jetés, l’attente commence pour le médaillé de bronze des JO de Londres en 2012, qui s’est d’ailleurs pointé dans la chambre de son entraîneur au moment de l’interview avec La Presse.

Valois-Fortier, 31 ans, foulera le tatami du Nippon Budokan dans cinq jours. Ce délai après le tirage au sort est particulier aux JO. Habituellement, les athlètes s’élancent le lendemain ou le surlendemain.

« C’est beaucoup de temps pour ruminer, penser à tout ça, positivement et négativement », a souligné Gill, seul judoka canadien qui est monté deux fois sur un podium olympique. « Ça laisse du temps pour se préparer, ça laisse aussi du temps pour stresser et créer des incertitudes. […] On sentait déjà augmenter le niveau de stress général. Avec le tirage d’aujourd’hui, le tournoi devient un peu plus concret. »

Les six judokas canadiens n’accordent d’ailleurs pas d’entrevues avant le début de leur compétition. Après un bye au premier tour, la championne mondiale Jessica Klimkait (57 kg) se mesurera probablement à la Bulgare Ilevina Ilieva. « Elle est solide, elle n’est pas mauvaise, mais son style convient bien à Jessica, s’est réjoui Gill. Ce sera un beau premier combat pour se mettre dedans. Elle sera en quart dès le deuxième. À partir de là, ce sera tous des combats très difficiles. »

Catherine Beauchemin-Pinard (63 kg), classée quatrième et « qui attaque sous tous les angles », selon la présentation de la fédération internationale, aura pour sa part la Danoise Laerke Olsen sur son chemin. « C’est une fille relativement jeune, que Catherine a déjà battue. C’est donc un bon premier tour pour elle. Par la suite, selon le style des adversaires, ce sera plus ou moins complexe. »

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Catherine Beauchemin-Pinard à l’entraînement

Ecaterina Guica (52 kg), de La Prairie, aura pour première rivale la Belge Charline Van Snick, sixième favorite. « C’est une ancienne médaillée des Jeux de Londres. Elle est plus en fin de carrière et elle a été blessée cette année. C’est un peu dur à prédire, on ne connaît pas son niveau de forme. »

Du côté masculin, le Montréalais Arthur Margelidon (73 kg), septième favori qui a raté Rio en 2016 en raison d’une malheureuse fracture à un bras, se prépare à une première rencontre avec le Saoudien Sulaiman Hamad. « Arthur l’a déjà battu. C’est un gars qui roule sa bosse depuis longtemps. Ça ne devrait pas être un problème. Après ça, comme pour Catherine, ça dépend des affrontements. »

Enfin, Shady Elnahas, 23 ans et lui aussi de Montréal, tentera de rendre la monnaie de sa pièce à Ivan Remarenco, qui représente les Émirats arabes unis. « C’est un Moldave d’origine qui a été naturalisé. Il a déjà gagné une médaille aux Championnats du monde. Shady a déjà perdu contre lui en faisant une belle erreur… C’est un beau combat pour entrer dans le tournoi. Évidemment, c’est loin d’être une victoire automatique. »

Aux Jeux olympiques, théâtre de toutes les surprises en judo, aucune ne risque de l’être.

Pas comme le Forum

PHOTO SERGIO PEREZ, REUTERS

Vue de l’intérieur du Nippon Budokan, où sera disputé le tournoi de judo

Le tournoi de judo sera présenté au Nippon Budokan, le dojo qui a accueilli les épreuves des JO de 1964, où Doug Rodgers avait remporté la première médaille olympique canadienne (argent). C’est un retour après une absence d’au moins un quart de siècle dans un édifice « qui ne convient plus du tout aux tournois », selon Gill. On ne parle donc pas de l’équivalent du Forum de Montréal ou du Wrigley Field de Chicago. « Ça a plus de sens pour des vieux comme moi. Pour les jeunes, ça n’a pas le même cachet. En l’absence de spectateurs, il n’y aura pas vraiment d’ambiance. Ç’aurait pu être quelque chose de spectaculaire. On va perdre un peu de magie. »

« Tubes à crachat »

Gill a dû interrompre l’entrevue pour répondre à la porte. Il a reçu livraison d’un nouvel ensemble de « tubes à crachat », les éprouvettes servant aux tests salivaires de la COVID-19 auxquels tout le monde dans le Village doit se soumettre quotidiennement. Les échantillons qu’il avait remis les deux jours précédents n’étaient apparemment pas entrés dans le système. « Je ne sais pas ce qu’ils vont faire avec toute cette accumulation de bave après les Jeux… »