(Jérusalem) Des ONG internationales ont alerté de nouveau jeudi sur leur quasi-impossibilité de travailler dans la bande de Gaza, ravagée par une guerre entre Israël et le Hamas palestinien qui, aux yeux de la présidente de Médecins sans frontières France, « équivaut à un génocide ».

Leur conférence de presse commune était organisée trois jours après la mort de sept membres de l’ONG World Central Kitchen (WCK) dans des frappes israéliennes dans le territoire palestinien, où le conflit va bientôt entrer dans son septième mois.

Cet évènement « n’est pas une surprise parce que depuis six mois nous avons été témoins des choix faits par Israël, qui mène une guerre contre une population entière piégée, privée de nourriture et massivement bombardée. Gaza devient progressivement impropre à la vie humaine », a dit Isabelle Defourny, présidente de Médecins sans frontières (MSF) France, lors d’un point de presse en ligne de représentants de plusieurs ONG intervenant à Gaza.

Aucune de ces ONG ne prévoit à ce stade de partir, même si la question se pose « chaque jour », a dit Mme Defourny.

« Les conditions pour apporter une assistance humanitaire ne sont pas réunies », a-t-elle ajouté. Mais « nous ne nous arrêterons pas de travailler à Gaza », où MSF compte 300 collaborateurs palestiniens, et encore des étrangers, confinés à l’extrême sud du territoire.

« Cible »

La Cour internationale de justice (CIJ) a appelé Israël à « prendre toutes les mesures pour prévenir un génocide […], Israël a jusqu’ici fait le contraire, continuant à bloquer l’aide humanitaire et détruisant des infrastructures vitales comme l’ont montré (l’incident du) WCK et la destruction de l’hôpital Al-Chifa », a dénoncé Mme Defourny, pour qui « la situation à Gaza a dépassé le point de l’horreur absolue ».

Aujourd’hui, « tout État apportant un soutien militaire à Israël : les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Australie, les pays de l’UE, l’Allemagne, la France… est moralement et politiquement complice de ce qui équivaut à nos yeux à un génocide », a-t-elle ajouté.

Alors que les habitants du nord de la bande de Gaza vivent avec moins de 245 calories par jour – « moins qu’une boîte de haricots » – la zone « devrait être une zone d’action contre la famine. Au lieu de quoi c’est une zone libre pour les tirs », a dit Scott Paul, pour Oxfam, qui a 26 personnes sur place.

« L’attaque contre le convoi du WCK a généré une indignation jamais vue depuis six mois, mais disons-le : cette attaque n’est pas une anomalie. Plus de 200 humanitaires ont déjà été tués, c’est systémique. Sauf que cette semaine, il s’agissait de travailleurs internationaux », a-t-il ajouté.

Selon Tanya Haj-Hassan, une pédiatre juste rentrée de deux semaines à l’hôpital de Deir al-Balah (centre de Gaza) pour l’organisation britannique Medical Aid for Palestinians (MAP), « tout le monde est une cible ».

« Sérieuses questions »

« Sur le terrain, vous ne voyez pas de Hamas, ce que vous voyez ce sont des familles entières rayées des registres d’état civil », a-t-elle dit. « Dans la plupart des guerres, la majorité des victimes sont de jeunes hommes. Ce n’est pas le cas ici », où femmes et enfants forment une très large majorité des tués.

Mais « il n’est pas possible d’atteindre (les populations) sans cessez-le-feu », a insisté Karyn Beattie, à Rafah pour Save the children International.

Médecins du Monde (MDM) gère des comptoirs médicaux dans les camps de réfugiés. Louise Bichet, la responsable du pôle Moyen-Orient, a décrit des équipes « épuisées, stressées, déprimées », manquant de tout.

« Les ONG ont besoin de conditions de travail adaptées, et d’abord de sécurité », a-t-elle souligné, rappelant que le bureau de MDM à Gaza-ville a été partiellement détruit. « Pourtant nous avions communiqué notre position GPS, qui était bien connue de l’armée israélienne, ce qui montre l’échec du processus » de coordination.

« Et plus largement, cela pose de sérieuses questions sur la confiance que nous pouvons avoir dans la compréhension et le respect par l’État d’Israël du droit humanitaire international », a-t-elle ajouté, au moment où, après la bavure du WCK, Israël promet une « nouvelle plateforme de coordination ».

La guerre a été déclenchée par l’attaque du Hamas le 7 octobre en Israël, qui a entraîné la mort de 1170 personnes, en majorité des civils, selon un décompte de l’AFP réalisé à partir de chiffres officiels israéliens. L’opération d’Israël en représailles a fait plus de 33 000 morts à Gaza, d’après le ministère de la Santé du Hamas.