Un premier navire chargé d’aide est prêt à embarquer de Chypre pour la bande de Gaza touchée par la famine et bombardée sans répit par Israël, au moment où les espoirs d’une trêve avant le ramadan s’amenuisent, plus de cinq mois après le début de la guerre.

Israël a accusé samedi le mouvement palestinien Hamas de « ne pas être intéressé par un accord » de trêve et de vouloir « enflammer la région pendant le ramadan », le mois de jeûne des musulmans qui commencera dimanche ou lundi, selon un communiqué des services du premier ministre Benyamin Nétanyahou.

Une rencontre s’est par ailleurs tenue vendredi entre les chefs des services de renseignement israélien et américain, dans le cadre des négociations autour d’une trêve dans la bande de Gaza assiégée où la situation humanitaire ne cesse d’empirer, précise le communiqué.  

Le président américain Joe Biden a estimé samedi que, par sa conduite de la guerre à Gaza, M. Nétanyahou « fait plus de mal que de bien à Israël ». « Il a le droit de défendre Israël, le droit de continuer à attaquer le Hamas. Mais il faut, il faut, il faut qu’il fasse plus attention aux vies innocentes perdues à cause des actions entreprises », a-t-il réclamé lors d’un entretien avec la chaîne MSNBC.

Pénurie de lait maternel

Dans le territoire palestinien assiégé, les mères notamment peinent à nourrir leurs bébés, face au manque de lait infantile. « Mon cœur se déchire quand je le vois pleurer, et lorsque je vois qu’il veut téter, je ne sais pas quoi faire », se désespère à Gaza Oum Karam, mère d’un nourrisson de cinq mois, qui ne dispose plus que d’une dernière boîte de lait en poudre, quasi vide.

Alors que l’aide fournie par voies terrestre ou aérienne demeure largement insuffisante dans la bande de Gaza, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a émis vendredi l’espoir d’une ouverture dimanche d’un couloir maritime permettant d’acheminer de l’aide depuis Chypre, située à quelque 370 kilomètres de Gaza.

Deux ONG se préparent à faire partir de l’île méditerranéenne un premier bateau chargé de 200 tonnes de nourriture.

PHOTO FOURNIE PAR OPEN ARMS/AGENCE FRANCE-PRESSE

Un bateau de l’ONG espagnole Open Arms attend à un quai chypriote.

« Tout sera prêt aujourd’hui », a déclaré samedi à l’AFP Laura Lanuza, la porte-parole de l’ONG espagnole Open Arms, partenaire dans ce projet de l’ONG américaine World Central Kitchen (WCK), ajoutant que les autorités israéliennes étaient en train d’inspecter la cargaison.

WCK « a déjà des gens à Gaza » et l’ONG est en train de « construire une jetée » pour pouvoir décharger la cargaison sur le territoire côtier, selon la porte-parole.

Famine « presque inévitable »

Un navire de soutien logistique de l’armée américaine, le General Frank S. Besson, a par ailleurs quitté les États-Unis avec à son bord le matériel nécessaire à la construction d’une jetée temporaire-annoncée jeudi par Joe Biden-pour acheminer l’aide humanitaire à Gaza, a annoncé le Commandement militaire américain pour le Moyen-Orient (Centcom) dans un communiqué samedi.

La construction de cette jetée pourrait selon le Pentagone prendre jusqu’à 60 jours et impliquerait probablement plus de 1000 soldats.

Le porte-parole de l’armée israélienne, Daniel Hagari, a indiqué samedi soir qu’Israël « coordonnait la mise en place » de cette jetée et distribuera « les livraisons, à travers les organisations internationales ».

PHOTO SAID KHATIB, AGENCE FRANCE-PRESSE

Une Palestinienne fouille parmi les décombres d’un immeuble résidentiel touché par une frappe aérienne israélienne nocturne à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le 9 mars.

Selon l’ONU, 2,2 des 2,4 millions d’habitants du territoire palestinien exigu frappé par d’importantes pénuries d’eau et de nourriture sont menacés de famine, et 1,7 million ont été déplacés par les combats et les frappes israéliennes.

Samedi à Rafah, à la frontière égyptienne, où sont massés près de 1,5 million de personnes selon l’ONU, des dizaines de Palestiniens faisaient la queue devant un camion-citerne pour remplir des bidons d’eau. « Il y a beaucoup trop de besoins pour trop peu d’eau », se lamentait Oum Serraj, une Palestinienne déplacée.

L’armée jordanienne a annoncé samedi un nouveau largage d’aide par une dizaine d’avions dont deux jordaniens, quatre américains et deux français.

Mais pour l’ONU qui met en garde contre une « famine généralisée presque inévitable » à Gaza, les parachutages, de même que l’envoi d’aide par la mer, ne peuvent se substituer à la voie terrestre.

Par ailleurs, la Suède et le Canada ont annoncé reprendre le financement de l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (Unrwa), principal fournisseur d’aide dans le territoire palestinien, plus d’un mois après l’avoir suspendu à l’instar d’une quinzaine de pays.  

Israël a qualifié la décision des deux pays de « grave erreur », tandis que le chef de l’Unrwa, Philippe Lazzarini, s’est dit « prudemment optimiste ».

L’agence onusienne est au centre d’une controverse depuis qu’Israël a accusé fin janvier 12 de ses employés d’être impliqués dans l’attaque du 7 octobre menée par le Hamas contre Israël.

Enfants morts de malnutrition

PHOTO MOHAMMED SALEM, REUTERS

Une femme palestinienne et un enfant constatent les dégâts après une frappe israélienne à Rafah.

D’après le ministère de la Santé du Hamas, au moins 23 civils sont morts de malnutrition et de déshydratation à Gaza, après le décès de trois nouveaux enfants.

Et les frappes israéliennes sur Gaza ne connaissent aucun répit : ces dernières 24 heures, au moins 82 personnes y ont péri, portant à 30 960 le bilan des morts à Gaza depuis le 7 octobre, selon le mouvement islamiste.

PHOTO HATEM ALI, ASSOCIATED PRESS

Des Palestiniens marchent devant un immeuble résidentiel détruit lors d’une frappe israélienne à Rafah, le 9 mars.

La bande de Gaza, déjà soumise à un blocus israélien depuis la prise du pouvoir par le Hamas en 2007, est bordée par Israël, l’Égypte qui garde sa frontière fermée et la mer Méditerranée.

L’attaque du Hamas du 7 octobre a entraîné la mort d’au moins 1160 personnes, la plupart des civils, dans le sud d’Israël, selon un décompte de l’AFP établi à partir de sources officielles.  

Environ 250 personnes ont aussi été enlevées et emmenées à Gaza ce jour-là, et 130 otages y sont encore retenus, dont 31 seraient morts d’après Israël.

PHOTO CARLOS GARCIA RAWLINS, REUTERS

Des policiers tentent de disperser les manifestants à l’aide de chevaux à Tel-Aviv.

En riposte, Israël a juré d’anéantir le Hamas, qu’il considère comme une organisation terroriste, de même que les États-Unis et l’Union européenne.

Le premier ministre Benyamin Nétanyahou fait face à la pression de plus en plus grande de l’opinion publique nationale pour parvenir à un accord avec le Hamas sur la libération des otages retenus à Gaza.

Des milliers de personnes se sont rassemblées samedi soir à Tel-Aviv pour exiger le départ du gouvernement et réclamer le retour des otages. « Élections ! Maintenant ! », « Honte au gouvernement », a scandé la foule.  

Pendant ce temps dans le sud du Liban, au moins cinq personnes, dont une femme enceinte et sa famille, ont été tuées samedi par une frappe israélienne sur leur maison, a indiqué l’agence officielle Ani. Le Hezbollah a annoncé que le père et ses deux enfants étaient des combattants du parti « morts en martyrs ».