Tirs d’artillerie contre ses bâtiments, soldats déployés dans les couloirs, chaos chez les patients : les forces israéliennes ont mené jeudi une opération dans le plus grand hôpital du sud de la bande de Gaza, espérant notamment y retrouver des dépouilles d’otages.

Cette « opération ciblée et limitée » à l’hôpital Nasser de Khan Younès a commencé tôt dans la matinée, a indiqué l’armée israélienne, après des semaines d’intenses bombardements et d’affrontements avec les combattants du Hamas palestinien dans le quartier.

L’hôpital Nasser a été visé par des tirs d’artillerie aux premières heures du jour alors que « les forces israéliennes avaient dit au personnel médical et aux patients qu’ils pouvaient rester sur le site », a regretté sur X l’ONG Médecins Sans Frontières (MSF).  

Des vidéos circulant sur les réseaux sociaux ont montré des scènes de chaos dans l’hôpital, comme des secouristes tentant d’emmener en lieu sûr des patients du service orthopédique, qui semble avoir été atteint par une frappe. Ou des gens qui marchent à travers une allée étroite pour tenter de fuir l’hôpital, auquel l’AFP n’a pas eu accès cette semaine.

CAPTURE D’ÉCRAN TIRÉE D’INSTAGRAM (@MAHMOUD_SHAMMALA), FOURNIE REUTERS

Un homme bloque une entrée à l’hôpital Nasser de Khan Younis, dans le sud de la bande de Gaza.

Le ministère de la Santé du Hamas a dénoncé « une situation désastreuse et inquiétante » dans le complexe de l’hôpital, faisant état « d’un quasi-épuisement » des stocks de carburant, essentiel pour faire tourner les blocs électrogènes et fournir de l’électricité.  

« Cela menace directement la vie des patients », a affirmé dans un communiqué le ministère, précisant que plus de 400 personnes, dont 191 patients, avaient dû être relocalisées dans un autre bâtiment.  

Si cette information était confirmée, « cela exposerait les patients à de graves risques, dont la mort pour les plus vulnérables », a indiqué le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme.  

Le personnel médical avait sonné l’alarme mercredi sur le sort de l’hôpital, un infirmier dénonçant auprès de l’AFP le manque d’eau potable, des égouts qui refoulent aux urgences et des tireurs d’élite israéliens postés sur les toits de l’établissement.

Le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme a dénoncé un raid qui « semble s’inscrire dans une tendance des forces israéliennes à attaquer des infrastructures essentielles pour sauver des vies à Gaza, notamment des hôpitaux », disant avoir constaté des « raids similaires dans le nord et le centre de la bande de Gaza, dans la ville de Gaza et à Khan Younès ».

PHOTO MOHAMMED SALEM, REUTERS

Des milliers de personnes, dont des patients, ont dû quitter l’hôpital où la situation est « catastrophique ».

Des corps d’otages

Les militaires israéliens ont dit dans un communiqué disposer de « renseignements crédibles provenant de différentes sources, dont des otages libérés, indiquant que le Hamas avait retenu des otages » dans l’hôpital et qu’il y aurait peut-être des corps d’otages sur place.

En début de semaine, l’armée israélienne a mené une opération commando à Rafah qui a permis de libérer deux otages israélo-argentins, Fernando Marman et Luis Har, enlevés le 7 octobre dans le kibboutz Nir Yitzhak, situé côté israélien mais proche des villes de Khan Younès et Rafah.

Le Hamas avait capturé près de 250 otages dans cette attaque sans précédent sur le sol israélien, qui a entraîné la mort de plus de 1160 personnes, en majorité des civils, selon un décompte de l’AFP réalisé à partir de données officielles israéliennes. Une trêve en novembre avait permis la libération de 105 de ces otages. Il en reste aujourd’hui 130 à Gaza, dont 29 seraient morts, selon l’armée israélienne.

En représailles, Israël a lancé une offensive qui a fait 28 663 morts à Gaza, en grande majorité des civils, selon le ministère de la Santé du Hamas.

Selon ce dernier, des milliers de personnes parmi lesquelles des patients ont dû quitter l’hôpital où la situation est « catastrophique », le personnel étant notamment incapable d’évacuer les corps vers la morgue en raison du manque de sécurité dans le complexe.

Mais le porte-parole de l’armée israélienne, Daniel Hagari, a démenti jeudi vouloir faire évacuer l’établissement. « Nous avons insisté sur le fait que les patients et le personnel n’étaient pas obligés d’évacuer l’hôpital », a-t-il dit.  

 « Nous ne cherchons pas à faire du mal à des civils innocents. Nous cherchons à retrouver nos otages et à les ramener chez eux », a souligné en journée M. Hagari, ajoutant plus tard en soirée que les soldats avaient trouvé des grenades sur le site de l’hôpital et y « cherchaient toujours » d’éventuelles dépouilles d’otages.