(Bagdad) L’Irak a dénoncé mercredi une « escalade irresponsable » après des frappes sur son sol contre des groupes armés pro-Iran menées par les États-Unis en représailles à des attaques contre leurs soldats.

Dans ce contexte fébrile, l’ambassadrice des États-Unis à Bagdad Alina Romanowski a rencontré le chef de la diplomatie irakienne Fouad Hussein pour lui remettre une « lettre importante » de Washington qui sera « étudiée » par le premier ministre irakien, selon un communiqué de Bagdad au langage énigmatique.

Les frappes américaines ont visé avant l’aube les Brigades du Hezbollah, faction affiliée aux ex-paramilitaires du Hachd al-Chaabi, dans le secteur de Jurf al-Sakhr au sud de Bagdad, ainsi que dans la région d’Al-Qaïm (ouest), à la frontière avec la Syrie.

« Cet acte inacceptable sape des années de coopération […] et conduit à une escalade irresponsable, à l’heure où la région court un risque d’extension du conflit », a averti le général Yehia Rasool, porte-parole du premier ministre Mohamed Chia al-Soudani.

Car les frappes américaines interviennent dans un contexte régional explosif, sur fond de guerre à Gaza entre Israël, allié des États-Unis, et le mouvement islamiste palestinien Hamas, soutenu par l’Iran.

Les bombardements à Al-Qaïm ont fait un mort, selon le Hachd al-Chaabi, dont les combattants sont désormais enrôlés dans les forces régulières.

« Frappes nécessaires »

Le secrétaire américain de la Défense Lloyd Austin a confirmé dans un communiqué « des frappes nécessaires et proportionnées » menées en Irak contre « trois installations utilisées par les Brigades du Hezbollah », mais aussi d’autres groupes affiliés à l’Iran, ennemi juré des États-Unis.

Ces bombardements, selon M. Austin, sont une riposte « directe » à une série d’attaques menées par « des milices parrainées par l’Iran » contre des militaires américains et la coalition internationale engagée contre le groupe djihadiste État islamique (EI) en Irak et en Syrie voisine.

« Nous ne voulons pas une escalade du conflit dans la région », a-t-il assuré, tout en avertissant que son pays était « disposé à prendre des mesures supplémentaires pour protéger » ses troupes.

Selon le Commandement militaire américain au Moyen-Orient (CENTCOM), les bombardements américains ont visé des entrepôts et des bases d’entraînement servant à l’initiation aux « roquettes, missiles et drones ».

Washington déploie environ 2500 soldats en Irak et près de 900 en Syrie, engagés avec la coalition internationale antidjihadiste qu’elle a lancée en 2014.

Depuis la mi-octobre, plus de 150 attaques de drones ou aux roquettes ont visé des soldats américains et ceux de la coalition.

Elles ont été revendiquées par la « Résistance islamique en Irak », nébuleuse de combattants des groupes armés pro-Iran.

Classées groupe « terroriste » par Washington et visées par des sanctions, les Brigades du Hezbollah ont déjà été ciblées ces dernières semaines par des bombardements.

Le groupe affiche publiquement sa participation aux actions de la « Résistance islamique en Irak », qui se veut solidaire des Palestiniens et refuse la présence militaire américaine en Irak.

« Sorties de crise »

Mardi soir, plusieurs « drones d’attaques » ont été lancés contre la base d’Aïn al-Assad, abritant des troupes de la coalition dans l’ouest de l’Irak, a indiqué un responsable militaire américain en faisant état de « blessés et de dégâts ».

En représailles aux attaques contre son personnel militaire, Washington a déjà mené plusieurs frappes ces dernières semaines contre des groupes armés alliés à Téhéran.

La situation oblige le premier ministre irakien à se livrer à un délicat exercice d’équilibriste. Porté au pouvoir par une majorité parlementaire pro-Iran, il cherche aussi à préserver les liens stratégiques unissant Bagdad à Washington.

Mais il réclame désormais le départ de la coalition internationale, estimant que mettre un terme à la mission de ces troupes était « une nécessité pour la sécurité et la stabilité » de son pays.

Dans un communiqué, la formation de l’ex-premier ministre Haider al-Abadi, politicien chiite respecté faisant partie de la majorité parlementaire, a proposé une initiative pour « chercher des sorties de crise plutôt qu’une escalade ».

Il a plaidé pour une « neutralité militaire » de l’Irak vis-à-vis des « conflits régionaux » et un départ de la coalition internationale « selon une feuille de route qui sera décidée dans un délai imparti ».