(Tel-Aviv) Le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken est attendu lundi soir en Israël pour des pourparlers ardus sur la guerre à Gaza sur fond de regain de tension à la frontière israélo-libanaise laissant craindre un embrasement régional.

Le secrétaire d’État américain a déploré dimanche la « tragédie » des milliers de civils tués dans cette guerre et averti que le conflit pourrait « aisément se métastaser » alors que les tensions montent d’un cran entre Israël et le Liban.

M. Blinken doit passer par les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite avant d’atterrir à Tel-Aviv où il s’entretiendra avec les dirigeants israéliens dès mardi.  

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De la fumée s’échappait de bâtiments dans le territoire palestinien pendant un bombardement israélien, le 7 janvier 2024.

C’est sa quatrième tournée régionale depuis le début de la guerre. Alors que Washington soutient militairement et politiquement Israël, la diplomatie américaine semble multiplier les mises en garde concernant les civils palestiniens.  

Après que plusieurs figures emblématiques israéliennes, dont des ministres, ont proposé d’encourager les Gazaouis à quitter le territoire assiégé pour s’établir dans des pays tiers, Antony Blinken a déclaré lors d’une conférence de presse au Qatar que les Palestiniens déplacés par la guerre devaient être autorisés à « rentrer chez eux ».

Israël a juré de détruire le Hamas après son attaque sans précédent sur son territoire le 7 octobre, qui a tué environ 1140 personnes, surtout des civils, selon un décompte de l’AFP à partir du bilan israélien.

Ce mouvement islamiste, au pouvoir dans le territoire côtier depuis 2007, est considéré comme une organisation terroriste par l’Union européenne, les États-Unis et Israël.

Environ 250 personnes ont été enlevées, dont une centaine libérées lors d’une trêve fin novembre. Au moins 24 des 132 personnes toujours en captivité auraient été tuées.

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Des Palestiniens pleurent leurs proches tués lors d’un bombardement israélien devant une morgue à Khan Younès, le 7 janvier.

L’offensive israélienne a fait 22 835 morts à Gaza, majoritairement des civils, selon le dernier bilan du ministère de la Santé à Gaza. Les bombardements y ont rasé des quartiers entiers, déplacé 85 % de la population et provoqué une crise humanitaire catastrophique selon l’ONU.

« Ces trois derniers mois ont été comme un quart de siècle », explique Nabil Fathi, un habitant de Gaza de 51 ans.

« Je me réveille en pensant que ce n’était qu’un cauchemar, mais c’est la réalité », poursuit-il, « notre maison et celle de mon fils ont été détruites et notre famille compte 20 martyrs ».

« Même si je survis, je ne sais pas où nous irons ensuite », a-t-il confié à l’AFP.

Deux journalistes tués

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Le journaliste d’Al-Jazeera Waël Dahdouh, avec l’un de ses garçons et sa fille, lors des funérailles de son fils Hamza Waël Dahdouh, lui aussi journaliste

Deux journalistes travaillant pour la chaîne qatarie Al Jazeera ont été tués dimanche à Rafah, ville gazaouie proche de la frontière égyptienne, après une frappe sur leur véhicule, selon leur employeur.

Moustafa Thuraya – un vidéaste collaborant également avec l’AFP - et Hamza Waël Dahdouh revenaient de reportage après s’être rendus sur le lieu d’une habitation touchée par les frappes aériennes.

Le second est le fils du chef du bureau d’Al Jazeera dans le territoire palestinien, Waël Dahdouh, qui avait déjà perdu son épouse et deux de ses enfants fin octobre dans une frappe israélienne.

L’armée israélienne a déclaré à l’AFP avoir « frappé un terroriste qui pilotait un appareil volant représentant une menace pour les troupes », ajoutant être « au fait des informations selon lesquelles, au cours de la frappe, deux autres suspects qui se trouvaient dans le même véhicule avaient aussi été touchés ».

Avec ces décès, au moins 79 journalistes et professionnels des médias, en grande majorité palestiniens, ont été tués depuis le début de la guerre, selon le Comité pour la protection des journalistes (CPJ).

Les organisations humanitaires internationales ont, elles, signalé avoir dû évacuer l’un des derniers hôpitaux de la bande de Gaza encore partiellement opérationnel, en raison des combats.

L’Organisation mondiale de la Santé affirme qu’à Deir al-Balah (centre), plus de 600 patients de l’hôpital al-Aqsa ont dû quitter les lieux étant donné « l’intensification des hostilités ».

La veille, le personnel de Médecins sans frontières avait quitté ce même hôpital après un tir dans l’unité de soins intensifs.

Dans la nuit, huit personnes y sont arrivées après une frappe sur une habitation, selon le ministère local de la Santé.

« (L’occupant) souhaite tuer davantage en supprimant les structures de soins », affirme le ministère de la Santé à Gaza, qui estime que 8000 blessés doivent quitter le territoire pour recevoir des soins appropriés.

Victoire totale

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Un campement pour déplacés a été installé près de la frontière avec l’Égypte, à Rafah.

L’armée israélienne, qui affirme avoir démantelé le commandement militaire du Hamas dans le nord de la bande de Gaza, a déclaré avoir tué d’autres « terroristes » dans le centre du territoire, notamment à l’aide de drones dans le camp de réfugiés de Bureij.

Un communiqué de l’armée annonce la découverte d’un « site de production d’armes » souterrain, exploité par le Hamas, dans le nord de Gaza, territoire sous blocus depuis plus de dix ans.

Le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, s’est de nouveau engagé dimanche à ce que « ce qui s’est passé le 7 octobre ne se reproduise pas ».

« C’est la raison pour laquelle nos soldats sur le terrain donnent leur vie. Nous devons continuer jusqu’à la victoire totale », a-t-il ajouté.

En Cisjordanie, territoire occupé depuis 1967, la violence a atteint un niveau inédit depuis près de vingt ans.

Dimanche huit Palestiniens ont été tués à Jénine (nord) après des frappes israéliennes selon le ministère de la Santé palestinien à Ramallah.

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En Cisjordanie, une Palestinienne de 3 ans est morte, tuée selon les autorités israéliennes par des tirs de policiers.

Une policière israélienne a été tuée lorsqu’une bombe a détoné près de sa voiture pendant une opération militaire dans Jénine. Un civil israélien a également été tué lors d’une fusillade près de Ramallah.

Dans la soirée, la police israélienne a confirmé qu’une enfant avait été tuée par des tirs d’agents répondant à une attaque à la voiture-bélier à proximité de Jérusalem.

Tensions au Liban

À la frontière entre Israël et le Liban, les tirs sont quasi quotidiens et la situation semble se détériorer.

Le Hezbollah a dit samedi avoir tiré 62 roquettes sur une base militaire israélienne quelques jours après avoir imputé à Israël la responsabilité de la mort d’un important dirigeant du Hamas, Saleh al-Arouri, à Beyrouth.

Le porte-parole de l’armée, Daniel Hagari, met en garde le mouvement chiite, allié du Hamas, contre un risque « d’entraîner le Liban dans une guerre inutile ». L’armée israélienne précise de son côté avoir frappé des « sites militaires » du Hezbollah.

Selon des médias locaux, des pirates informatiques ont utilisé des écrans de l’aéroport de Beyrouth pour afficher des messages anti-Hezbollah : « Hassan Nasrallah, personne ne te soutiendra si tu entraînes le pays dans la guerre ».