(Ottawa) Les pays traditionnellement alignés sur Israël mettent en garde son gouvernement de droite contre l’idée d’un déplacement de résidants de la bande de Gaza, alors que les responsables israéliens laissent souvent entendre que le Canada pourrait accueillir des Palestiniens.

Le ministre israélien des Finances, Bezalel Smotrich, a déclaré cette semaine que son pays devrait « encourager la migration » des Palestiniens de Gaza et y rétablir les colonies israéliennes, faisant écho à des commentaires similaires du ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir.

Le porte-parole du département d’État américain, Matthew Miller, a condamné les propos « incendiaires et irresponsables » des deux ministres israéliens. Le président français, Emmanuel Macron, les a qualifiés d’« inacceptables », alors que le ministère allemand des Affaires étrangères a rejeté ces commentaires « dans les termes les plus fermes », un porte-parole estimant qu’ils ne faisaient rien pour promouvoir la paix au Proche-Orient.

Le mois dernier, des membres du Likoud, le parti du premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou, auraient discuté des pays qui seraient prêts à accepter les Palestiniens de Gaza comme réfugiés.

Un article du quotidien Israel Hayom cite des sources anonymes qui soutiennent qu’un député de la Knesset a évoqué le Canada, mentionnant le nouveau programme fédéral qui offre des visas limités aux proches de citoyens canadiens qui cherchent à quitter Gaza. Le contenu de l’article n’a pas été vérifié de manière indépendante par La Presse Canadienne.

Une porte-parole du ministre canadien de l’Immigration, Marc Miller, a déclaré que le Canada ne tolérerait pas le déplacement massif de Palestiniens.

« En réponse à la situation à Gaza, notre priorité est de réunir les familles d’une manière qui n’entrave pas leur capacité à retourner à Gaza, lorsque les circonstances le permettent », a déclaré mercredi l’attachée de presse de M. Miller, Bahoz Dara Aziz.

Le ministre Miller a déclaré la semaine dernière dans un message publié sur les réseaux sociaux qu’il n’avait jamais discuté du transfert des habitants de Gaza hors du territoire palestinien contrôlé par le Hamas, et son bureau n’a pas immédiatement répondu à une demande de commentaires supplémentaires.

PHOTO SPENCER COLBY, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Le ministre canadien de l’Immigration, Marc Miller

« Ridicule de me sentir obligé de dire ceci, mais à aucun moment ai-je discuté avec qui que ce soit du gouvernement israélien du soi-disant’transfert volontaire’des habitants de Gaza hors de Gaza », a écrit le ministre Miller le 29 décembre sur la plateforme X. « Quiconque prétend le contraire parle à travers son chapeau », a-t-il poursuivi en anglais.

Le bureau de M. Miller affirme qu’il n’a eu aucun contact avec le gouvernement israélien.

Ottawa devait lancer la semaine prochaine un programme d’immigration temporaire pour les membres de la famille élargie des Canadiens coincés dans la bande de Gaza assiégée. Le programme offrirait des visas de trois ans à un maximum de 1000 Palestiniens dont des membres de la famille sont prêts à les soutenir pendant leur séjour au Canada.

« Nettoyage ethnique » ?

Au cours du premier mois de cette plus récente guerre entre Israël et le Hamas, un ministère du gouvernement israélien a rédigé une proposition visant à transférer les 2,3 millions de Palestiniens vivant dans la bande de Gaza contrôlée par le Hamas vers l’Égypte et à les réinstaller dans d’autres pays.

La note ministérielle indiquait spécifiquement que les pratiques d’immigration « clémentes » du Canada pourraient faire du pays une destination de réinstallation. Les responsables israéliens ont confirmé la véracité du document, mais ont déclaré que la proposition ne constituait pas une politique gouvernementale.

En novembre, Ram Ben Barak, ancien directeur adjoint du Mossad, l’agence israélienne de renseignement, a déclaré à la télévision nationale que pour les Palestiniens, « il vaut mieux être réfugié au Canada » que de vivre à Gaza.

Le professeur Thomas Juneau, de l’Université d’Ottawa, a affirmé que les récentes déclarations des ministres Smotrich et Ben Gvir équivalent à « un plaidoyer ouvert en faveur du nettoyage ethnique des Palestiniens ».

Le mois dernier, la rapporteuse spéciale des Nations unies sur les droits de l’homme des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays, Paula Gaviria Betancur, a averti qu’Israël semblait chercher à modifier de façon permanente la composition de la population de Gaza.

« Alors que les ordres d’évacuation et les opérations militaires continuent de se multiplier et que les civils sont quotidiennement soumis à des attaques incessantes, la seule conclusion logique est que l’opération militaire israélienne à Gaza vise à expulser en masse la majorité de la population civile », a écrit Gaviria Betancur dans une déclaration du 22 décembre.

Le porte-parole du gouvernement israélien, Eylon Levy, a répondu en déclarant que son pays avait demandé aux Palestiniens de se déplacer vers une zone humanitaire au sein de la bande de Gaza, à partir de laquelle le Hamas a ensuite lancé des roquettes.

« Nous voulons que les civils soient protégés dans les zones où le Hamas ne les utilise pas déjà comme boucliers humains », a écrit M. Levy sur les réseaux sociaux le 26 décembre.

« Les seules personnes qui encouragent le déplacement massif des habitants de Gaza sont celles qui qualifient faussement la plupart d’entre eux de’réfugiés’et réalisent leur rêve de s’installer en Israël par le biais d’une lutte violente, au lieu de vivre en paix à nos côtés. »

La paix par l’éviction des Palestiniens ?

La guerre a commencé après que des militants du Hamas ont mené des attaques dans le sud d’Israël le 7 octobre, tuant environ 1200 personnes et prenant environ 240 otages. Depuis lors, Gaza est soumise à des bombardements presque constants, les responsables locaux affirmant que la réponse militaire israélienne avait tué plus de 22 300 personnes jusqu’ici.

L’ambassadrice palestinienne au Canada, Mona Abuamara, a déclaré à plusieurs reprises que son peuple craignait qu’Israël veuille évincer les Palestiniens de la bande de Gaza et s’en emparer.

« Vous voyez ces ministres qui parlent de détruire des villes (ou) de lancer une bombe nucléaire sur le peuple palestinien », a déclaré Mme Abuamara, qui représente la délégation générale palestinienne au Canada, dans une entrevue le mois dernier.

En novembre, le premier ministre Nétanyahou a suspendu son ministre du Patrimoine, Amichai Eliyahu, qui avait déclaré en entrevue que larguer une bombe nucléaire sur Gaza était une option. En mars, le ministre Smotrich a appelé à « effacer » le village de Huwara, en Cisjordanie, suite aux violences entre colons israéliens et Palestiniens.

« Israël veut – et vous l’entendez tous les jours – renvoyer tous les habitants de Gaza. C’est une solution qui, selon eux, apporterait le calme qu’ils souhaitent », a déclaré Mme Abuamara, qui pense que de nombreux Israéliens ne sont pas d’accord avec ce que fait le gouvernement de leur pays. « Le peuple palestinien ne veut pas quitter sa terre. »