(Paris) La rencontre dimanche à Téhéran entre les talibans et le FNR d’Ahmad Massoud n’a accouché d’aucun résultat concret en raison de divergences irréconciliables, a déclaré à l’AFP un dirigeant de ce mouvement d’opposition armé, qui a posé des exigences avant toute reprise des discussions.

Dans un entretien avec l’AFP jeudi à Paris, le chef des relations extérieures du Front national de résistance (FNR) Ali Maisam Nazary a confirmé que des « pourparlers informels » s’étaient bien tenus en Iran entre une délégation de son mouvement et les talibans.

« Il y a eu une rencontre brève entre le chef de leur délégation (le ministre des Affaires étrangères Amir Khan Muttaqi, NDLR) et le commandant Massoud » dimanche, a rapporté M. Nazary, ce qu’avaient annoncé les talibans lundi, sans élaborer sur le contenu des discussions.  

Des « pourparlers informels » se sont ensuite tenus pendant « deux à trois heures » entre la délégation talibane et le chef de la délégation du FNR, Ismaïl Khan, a ajouté M. Nazary, précisant qu’Ahmad Massoud n’y avait pas participé.

Seigneur de guerre redouté basé à Hérat, la capitale de l’Ouest afghan, Ismaïl Khan avait affirmé vouloir résister coûte que coûte aux talibans l’été dernier alors que les insurgés s’emparaient du pays. Mais ceux-ci l’avaient capturé en s’emparant d’Hérat, puis relâché.

Il a depuis lors rejoint les rangs du FNR, un mouvement de résistance aux talibans lancé par Ahmad Massoud, le fils du légendaire commandant Ahmad Shah Massoud — assassiné en 2001 par Al-Qaïda —, dans le Panchir, une province à moins de 100 kilomètres de Kaboul.

Faute d’armes en quantité suffisante et de soutien étranger, le FNR, qui se présente comme le dernier rempart démocratique à l’intérieur de l’Afghanistan, s’est toutefois écroulé face aux fondamentalistes en septembre après que ceux-ci eurent conquis Kaboul.

Ahmad Massoud, dont le père reste associé par une partie de la population à la lutte sanglante entre moudjahidine après le départ des Soviétiques, n’a toutefois pas été capturé. Il a promis de « continuer » la lutte, sans obtenir davantage d’aide extérieure.

Les pourparlers de Téhéran « n’ont pas donné de résultats », a observé Ali Maisam Nazary. « Notre définition d’un gouvernement inclusif est différente de la leur : ils disaient “nous vous attribuerons des postes de ministres au gouvernement, des ambassades, mais le système politique ne changera pas” ».  

« Nous n’étions pas du tout sur la même longueur d’onde, ils se sont montrés réticents à changer leur mentalité », a poursuivi M. Nazary, dont le mouvement a selon lui accepté de rencontrer les talibans après cinq mois de refus, sur recommandation de « pays régionaux ».

« Raids nocturnes »

Le chef des relations extérieures du FNR a affirmé que son mouvement contrôlait actuellement « 60 % du Panchir » et était présent dans « sept provinces » afghanes, ce que l’AFP n’est pas en mesure de vérifier. Le FNR compte des forces régulières d’« au moins 4000 » hommes et mène une stratégie de guérilla contre les talibans, « essentiellement des raids nocturnes et des attaques éclair », a-t-il lancé.

A Téhéran, la délégation du FNR a présenté quatre demandes aux talibans, selon M. Nazary : « un changement dans le système politique qui permette un meilleur partage du pouvoir entre les différents groupes ethniques en Afghanistan » en vue d’« un véritable gouvernement inclusif ».  

« Nous estimons ensuite que tout futur gouvernement doit être une démocratie et issu des urnes et d’élections », ce que refusent les talibans, a rapporté M. Nazary. Les « droits des femmes et les droits humains » doivent également être respectés, car « ce qui se passe aujourd’hui dans le pays est inacceptable », a-t-il martelé.

Dernière demande : « les talibans doivent se retirer des régions où ils n’ont pas de soutien sur le terrain ».  

« Si ces demandes sont remplies, nous serons ouverts à des négociations formelles » avec les fondamentalistes, a affirmé M. Nazary.  

Lors des discussions de dimanche, le ministre taliban a assuré à Ahmad Massoud et Ismaïl Khan qu’ils pouvaient retourner sans crainte en Afghanistan.

« Nous n’avons pas besoin d’eux pour nous dire quand et comment retourner » en Afghanistan, a réagi jeudi M. Nazary.

« Nous sommes en capacité de rentrer dans notre pays quand nous le souhaitons, les talibans ne sont pas propriétaires de l’Afghanistan, et Ahmad Massoud entre et sort d’Afghanistan », a-t-il poursuivi. « Ismaïl Khan se trouve en Iran et le commandant Massoud voyage, il se rend dans de nombreux endroits, que l’on ne peut préciser pour sa propre sécurité ».