Le président américain Donald Trump a causé la surprise à l'ONU en exprimant pour la première fois une préférence pour la création d'un État palestinien coexistant avec Israël, sans toutefois paraître faire bouger les lignes du conflit dans l'immédiat.

Les dirigeants concernés, le président palestinien Mahmoud Abbas et le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou, doivent à leur tour prendre la parole jeudi devant l'ONU à New York. Déjà, ils n'ont pas signalé être autrement émus par les propos de M. Trump mercredi.

Après avoir pris ses distances avec le principe d'une solution dite «à deux États» embrassé par ses prédécesseurs depuis au moins 2001, le président américain a paru faire le chemin à rebours en marge de l'assemblée générale de l'ONU.

«J'aime bien la solution à deux États», a-t-il dit lors d'une rencontre avec M. Nétanyahou. Même si c'est «un peu plus difficile», elle «marche mieux parce que chacun gouverne de son côté», a-t-il ajouté plus tard.

La solution à deux États verrait la création d'un État palestinien indépendant coexister en paix avec Israël. Elle est la référence d'une grande partie de la communauté internationale, de l'ONU à la Ligue arabe, en passant par l'Union européenne, pour résoudre l'un des plus vieux conflits de la planète.

Cette solution se fonde sur la création d'un État indépendant formé de la Cisjordanie occupée depuis plus de 70 ans par l'armée israélienne, de la bande de Gaza sous blocus israélien et égyptien, avec Jérusalem pour capitale. Elle est l'aspiration de l'Autorité palestinienne du président Abbas, qui constitue la préfiguration internationalement reconnue d'un tel État et a été mise en place grâce aux accords d'Oslo.

Un quart de siècle après Oslo, les perspectives d'un règlement ont toutefois rarement paru plus éloignées. La dernière initiative (américaine) a échoué en 2014. Directions israélienne et palestinienne ne se parlent plus de paix.

Gaza peut «exploser»

Les violences continuent et Gaza peut «exploser d'une minute à l'autre», selon l'ONU. La colonisation israélienne se poursuit. L'Autorité palestinienne est largement discréditée auprès de son opinion et les rivaux islamistes du Hamas, qui contrôle depuis 2007 la bande de Gaza, persistent dans le refus de reconnaître Israël.

Israël a, lui, le gouvernement réputé le plus à droite de son histoire. Des membres éminents y refusent d'entendre parler d'État palestinien et prônent l'annexion d'au moins certaines parties de la Cisjordanie.

Le président Abbas a gelé les relations avec l'administration Trump après la reconnaissance, en 2017 par les États-Unis, de Jérusalem comme capitale d'Israël. M. Abbas juge les États-Unis outrancièrement pro-israéliens, et donc disqualifiés dans le rôle historique de médiateurs. L'administration Trump a en retour coupé des centaines de millions d'aide aux Palestiniens.

Après un discours dans lequel il endossait publiquement l'idée d'un État palestinien en 2009, M. Nétanyahou a laissé à nombre de ses interlocuteurs la conviction que cette prise de position était de pure circonstance.

«Désastre pour Israël»

M. Nétanyahou a, selon la presse israélienne qui l'accompagne, cité mercredi le gendre et conseiller du président, Jared Kushner, pour dire que chacun «interprète le terme 'État' [palestinien] différemment».

Il s'est dit d'accord pour que les Palestiniens aient «l'autorité pour se gouverner eux-mêmes». Mais il a répété que, dans tout scénario, Israël, et non pas les Palestiniens, devait rester en charge de la sécurité à l'est de leur territoire (donc en Cisjordanie) jusqu'à la frontière jordanienne.

La formule a été présentée comme celle d'un state minus, un État sans toutes ses prérogatives.

Les commentateurs escomptent que M. Nétanyahou martèle davantage jeudi devant l'ONU sa préoccupation vis-à-vis de l'Iran.

L'un des poids lourds de son gouvernement, le nationaliste religieux Naftali Bennett - qui concurrence M. Nétanyahou sur sa droite -, a signifié combien tout règlement restait aléatoire dans la configuration présente.

Tant que son parti, le Foyer juif, sera au gouvernement, «il n'y aura pas d'État palestinien», a tweeté M. Bennett, «cela signifierait un désastre pour Israël».

Les commentateurs s'interrogent sur le moment choisi par M. Trump et surtout sur la traduction de ses propos dans la réalité d'un plan qu'il a promis sous quatre mois après une longue attente.

M. Trump a alimenté le flou en réitérant que d'autres solutions, comme celle d'un seul Etat, restaient envisageables. «Je suis content s'ils sont contents. Je ne suis qu'un facilitateur».

Les Palestiniens n'ont pas donné l'air d'être satisfaits ni d'être prêts à reconsidérer leur boycottage de l'administration Trump après avoir avalé plusieurs couleuvres: transfert de l'ambassade américaine à Jérusalem, arrêt des financements, remise en cause du statut de millions de réfugiés palestiniens, fermeture du bureau de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) à Washington, non-condamnation de la colonisation...

«[Dire] 'un État, deux États, peu importe', cela ne fait pas une politique. Servir la soupe à des évangélistes sionistes extrémistes, aux donateurs [des Républicains], aux lobbies et à Nétanyahou, voilà ce qui est dangereux», a tweeté la dirigeante de l'OLP Hanane Achraoui.