Les forces gouvernementales yéménites ne sont qu'à une vingtaine de kilomètres du port stratégique de Hodeida, tenu par les rebelles Houthis, et qui sert de principal point d'entrée pour l'aide humanitaire, a annoncé lundi soir la coalition anti-insurgés sous commandement saoudien.

«Il ne reste plus que 20 kilomètres environ jusqu'à Hodeida et les opérations continuent», a indiqué à des journalistes à Riyad un porte-parole de la coalition, Turki al-Maliki.

L'ONU craint de voir cette opération militaire affecter l'acheminement de l'aide humanitaire, dont 70% arrive au Yémen par le port de Hodeida, alors même que certaines régions du pays sont au bord de la famine.

Mais la coalition menée par Riyad explique qu'elle entend couper la principale voie d'approvisionnement des rebelles: selon elle, ce port de la côte ouest est à la fois un point de départ pour des attaques rebelles contre des navires en mer Rouge, et le lieu via lequel l'Iran livrerait des armes aux Houthis.

Cette annonce des forces anti-rebelles survient alors que les Houthis se sont dit confiants de pouvoir repousser l'offensive de la coalition sur Hodeida.

«Notre peuple saura se dresser avec force face à l'agression sur la côte» ouest du Yémen, a affirmé le chef des rebelles, Abdel Malik Al-Houthi, dans un discours télévisé retransmis dans la nuit de dimanche à lundi par la chaîne Al-Massirah, contrôlée par ses partisans.

En novembre 2017, après que les rebelles eurent lancé un missile balistique visant la capitale saoudienne Ryad, la coalition avait instauré un blocus total de Hodeida. Depuis,  celui-ci a été assoupli sous la pression internationale, mais la coalition s'est fixée comme objectif de conquérir Hodeida par la voie terrestre - surtout depuis que les attaques aux missiles se multiplient.

La coalition affirme que ses forces avancent en direction de Hodeida, mais qu'elles sont retardées par d'innombrables mines posées par les rebelles.

Forces hétéroclites

Pour Gerald Feierstein, ancien ambassadeur américain au Yémen et directeur de l'Institut du Moyen Orient à Washington, «la vraie question n'est pas de savoir si les membres de la coalition peuvent prendre Hodeida. C'est ce qu'ils veulent faire après».

«Est-ce qu'ils vont (...) permettre à l'aide humanitaire d'entrer sans entrave? Est-ce qu'ils vont s'appuyer sur leur victoire militaire pour obtenir des pourparlers politiques? Si ce n'est pas le cas, ce ne sera pas positif», a-t-il tweeté.

L'offensive visant à conquérir Hodeida, pilotée par les Emirats arabes unis (EAU), réunit plusieurs forces hétéroclites. Les «Brigades des Géants» sont une ancienne unité d'élite de l'armée yéménite remise sur pied par les EAU et renforcée par des milliers de combattants du sud-Yémen.

La «Résistance nationale» réunit des partisans de l'ex-président yéménite Ali Abdullah Saleh - assassiné en décembre par ses anciens alliés houthis -, sous le commandement de Tarek Saleh, le neveu de l'ancien président.

La troisième force, appelée la «Résistance de Tihama», est formée de militaires restés fidèles au président Hadi.

Avec cette bataille pour Hodeida, «le conflit entre dans une nouvelle phase, mais probablement pas la dernière», analyse Peter Salisbury, du centre de réflexion britannique Chatham House.

«Pour moi la question est de savoir combien de temps la bataille pour Hodeida va durer, et quels seront les dégâts pour le principal port du pays», a-t-il expliqué sur Twitter. «Si les combats se prolongent pendant des semaines ou des mois et sont très destructeurs... ce sera très mauvais pour la population yéménite».

La coalition intervient militairement au Yémen depuis 2015 pour restaurer le gouvernement internationalement reconnu qui a été chassé de la capitale Sanaa.

Le front du sud-ouest est actuellement le plus actif du Yémen où la guerre a fait, depuis l'intervention de la coalition en 2015, près de 10 000 morts et plus de 55 000 blessés et provoqué, selon les Nations unies, la «pire crise humanitaire du monde».

Outre Hodeida, les Houthis contrôlent la capitale Sanaa, ainsi que d'autres vastes régions du nord.