Au moins 90 personnes sont mortes et des centaines d'autres blessées dans un énorme attentat au camion piégé mercredi qui a semé la panique dans le quartier diplomatique de Kaboul et n'avait pas été revendiqué en soirée.

«90 personnes ont été tuées et 400 ont été blessées, dont nombre de femmes et d'enfants», a annoncé le centre d'information gouvernemental. Le ministre de la Santé a souligné que le bilan risquait de s'alourdir encore.

Parmi les morts figurent onze gardes de sécurité afghans de l'ambassade des États-Unis, a indiqué un responsable américain à Washington.

Et onze contractuels américains travaillant pour l'immense complexe diplomatique et militaire qu'entretient Washington en Afghanistan font partie des blessés, a précisé un officiel américain à Kaboul.

Plusieurs heures après l'attentat, les secouristes continuaient à dégager des corps à moitié calcinés ou défigurés, tandis que des habitants désespérés cherchaient leurs proches.

«Ils allaient au travail, comme tous les jours, et maintenant ils sont portés disparus», disait en sanglotant un jeune Afghan qui cherchait un oncle et des cousins. «Je les ai cherché dans trois hôpitaux, en vain».

L'attaque, commise au début du mois de jeûne du ramadan dans cette zone ultra-protégée abritant de nombreuses ambassades barricadées derrière de hauts murs, a été menée à l'heure de pointe matinale.

«L'explosion a été causée par une citerne à eau qui contenait plus d'une tonne et demi d'explosifs. Elle a creusé un cratère de 7 mètres de profondeur», a indiqué une source occidentale à Kaboul.

Le camion piégé a été actionné par un kamikaze vers 08h30 locales, selon le ministère de l'Intérieur.

L'attaque n'avait pas été revendiquée dans la soirée et sa cible précise n'était toujours pas clairement établie.

Les talibans, qui ont annoncé fin avril le lancement de leur «offensive de printemps», ont affirmé sur Twitter ne «pas être impliqués dans l'attentat de Kaboul et le condamner fermement». Les talibans revendiquent rarement les attentats dans lesquels le nombre de victimes civiles est très lourd.

Le renseignement afghan a cependant accusé le réseau Haqqani, un groupe armé allié des talibans à l'origine de nombreuses attaques contre les forces étrangères et locales en Afghanistan.

De son côté, l'organisation État islamique (EI), auteur de plusieurs attentats sanglants à Kaboul ces derniers mois, ne s'était pas exprimée mercredi soir.

Parmi les victimes figurent notamment un garde afghan de l'ambassade d'Allemagne et un chauffeur, également afghan, de la BBC, ainsi qu'un journaliste de la chaîne afghane Tolo. Deux employés de la même ambassade et quatre journalistes de la BBC ont également été blessés.

La déflagration a été si forte qu'elle a secoué une grande partie de la ville, soufflant de nombreuses portes et fenêtres et semant la panique.

Des dizaines de voitures détruites gisaient abandonnées sur le site, où les forces de sécurité et les secours se sont rapidement déployés.

Le gouvernement a appelé la population à des dons de sang dans les hôpitaux.

«Crime de guerre»

Plusieurs ambassades ont fait état de dégâts matériels, dont l'ambassade de France où ils sont qualifiés d'«importants», et celles d'Allemagne, du Japon, de Turquie, des Emirats arabes unis, d'Inde et de Bulgarie.

Washington a dénoncé une attaque «atroce». «Le fait que cette attaque ait eu lieu pendant le mois du ramadan souligne sa dimension barbare», a indiqué à l'AFP un responsable de la Maison-Blanche.

«De telles attaques ne changent rien à notre détermination à soutenir le gouvernement afghan dans ses efforts pour stabiliser le pays», a déclaré le ministre allemand des Affaires étrangères, Sigmar Gabriel.

L'Allemagne a repoussé le départ prévu mercredi d'un vol charter d'Afghans expulsés du pays. Les employés de l'ambassade à Kaboul «ont plus important à faire juste après cet attentat que de préparer ces mesures logistiques», a souligné le ministre allemand de l'Intérieur Thomas de Maizière.

Resolute Support, la mission de l'OTAN dans le pays, a salué «la vigilance et le courage des forces de sécurité afghanes qui ont empêché le véhicule piégé» d'entrer plus avant dans la zone diplomatique.

Le président Ashraf Ghani a dénoncé un «crime de guerre».

«Nous sommes pour la paix mais ceux qui nous tuent pendant le mois sacré de ramadan ne méritent pas d'être appelés à faire la paix, ils doivent être détruits», a lancé pour sa part le chef de l'exécutif afghan, Abdullah Abdullah.

L'ONG Amnesty International a souligné que cet attentat montrait que «le conflit en Afghanistan ne faiblit pas mais s'étend dangereusement, d'une manière qui devrait alarmer la communauté internationale».

Le pape François a dénoncé une attaque «abjecte».

À Paris, la Tour Eiffel sera symboliquement éteinte mercredi soir pour rendre hommage aux victimes. 

«Nouvelle année difficile» 

L'attentat est intervenu dans un contexte de détérioration sécuritaire et de grande incertitude pour l'Afghanistan, alors que le président américain Donald Trump réfléchit à l'envoi de milliers de militaires supplémentaires.

Le chef du Pentagone Jim Mattis a récemment déclaré s'attendre à «une nouvelle année difficile» pour l'armée afghane et les soldats étrangers présents sur le territoire afghan.

Les États-Unis, qui sont engagés en Afghanistan dans le plus long conflit de leur histoire, ont déployé 8400 hommes dans ce pays aux côtés des 5000 envoyés par des États alliés membres de l'OTAN, dont la principale mission est de former et de conseiller les soldats afghans.

PHOTO AFP

«L'explosion a été causée par une citerne à eau qui contenait plus d'une tonne et demie d'explosifs. Elle a laissé un cratère de 7 mètres de profondeur», a indiqué à l'AFP une source occidentale informée à Kaboul.

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La déflagration a été si forte qu'elle a secoué une grande partie de la ville, soufflant de nombreuses fenêtres et semant la panique parmi la population.

Les attentats les plus meurtriers en Afghanistan depuis 2001

L'attentat à la bombe qui a frappé Kaboul s'inscrit parmi les plus meurtriers perpétrés en Afghanistan, depuis la chute des talibans fin 2001.

- 23 juillet 2016: deux kamikazes ciblent une manifestation pacifique de la minorité chiite à Kaboul, faisant au moins 85 morts. L'État islamique (EI) revendique le massacre, son premier coup d'éclat au coeur de la capitale.

- 19 avril 2016: l'explosion d'un camion bourré d'explosifs aux abords d'un complexe gouvernemental de la capitale, suivie d'une fusillade, fait 64 morts et près de 350 blessés, une semaine après le début de l'«offensive de printemps» annoncée par les talibans.

- 23 novembre 2014: au moins 57 personnes sont tuées par un kamikaze qui se fait exploser au milieu des spectateurs lors d'un match de volley-ball dans la province de Paktika (sud-est), près de la frontière avec le Pakistan, et principal bastion du réseau Haqqani.

- 6 décembre 2011: un kamikaze tue 80 personnes à Kaboul, en se faisant exploser au sein d'une procession chiite, lors de la fête de l'Achoura, une des fêtes les plus sacrées de l'islam chiite. Quasi simultanément, un vélo piégé explose au passage d'un groupe de pèlerins chiites à Mazar-i-Sharif, la grande ville du nord, faisant quatre morts.

- 7 juillet 2008: l'Ambassade d'Inde à Kaboul est visée par un attentat-suicide à la voiture piégée : 60 morts, dont deux diplomates et deux gardes indiens.

- 17 février 2008: environ 140 personnes, dont plus de 50 policiers auxiliaires, sont tuées à Kandahar, la grande ville du sud afghan, dans un attentat-suicide au milieu d'une foule assistant à un combat de chiens. Les talibans démentent leur implication dans cette attaque.

- 6 novembre 2007: 79 personnes, dont 59 enfants et six parlementaires, meurent dans un attentat-suicide dans une usine de sucre dans la province de Baghlan, au nord de Kaboul.