Le secrétaire d'État américain John Kerry a entamé mercredi une visite en Arabie saoudite pour tenter de pousser à une solution politique au Yémen où la guerre s'éternise avec des critiques croissantes sur son bilan humain.

M. Kerry devait s'entretenir en soirée avec le très influent vice-prince héritier Mohammed ben Salmane, avant d'être reçu jeudi par le roi Salmane, dont le pays appuie politiquement et militairement le pouvoir au Yémen voisin face aux rebelles chiites Houthis.

Il rencontrera en outre jeudi le médiateur de l'ONU pour le Yémen Ismaïl Ould Cheikh Ahmed, le vice-ministre britannique des Affaires étrangères Tobias Ellwood ainsi que ses homologues d'Arabie saoudite et des Emirats arabes unis.

Les discussions permettront «de partager les idées et les initiatives pour remettre sur les rails les négociations et tenter de parvenir à une solution politique» au Yémen, a affirmé un haut responsable du département d'État.

Elles visent également, a-t-il ajouté, à mettre en place un mécanisme pour la livraison d'aides humanitaires urgentes à ce pays où 80% des habitants sont confrontés à d'importantes pénuries alimentaires.

«Nous voulons assurer un meilleur accès humanitaire et en même temps nous avons besoin de mettre en place un cessez-le-feu. Les deux vont de pair», a dit ce responsable.

En l'absence de tout progrès dans les pourparlers de paix interyéménites, l'émissaire de l'ONU avait annoncé le 6 août leur suspension durant un mois. Les combats avaient ensuite repris de plus belle.

En mars 2015, Ryad a pris la tête d'une alliance arabe pour enrayer l'avancée des Houthis qui étendaient leur emprise sur le Yémen après avoir conquis la capitale Sanaa et poussé à la fuite le président Abd Rabbo Mansour Hadi.

Avec une liste de victimes civiles qui s'allonge du fait notamment de la campagne aérienne de la coalition, l'Arabie saoudite fait face à des critiques croissantes d'organisations de défense des droits de l'homme.

Capacité «limitée» 

Pour Peter Salisbury, qui collabore avec l'institut Chatham House, la «pression monte» dans certains milieux de l'administration américaine pour favoriser une issue rapide du conflit au Yémen qui a fait plus de 6500 morts.

«Cependant, les Américains sont limités dans leur capacité à produire une solution politique», dit-il à l'AFP.

L'analyste rappelle que l'approche internationale pour résoudre ce conflit s'appuie sur la résolution 2216 du Conseil de sécurité de l'ONU, qui signifie, si elle est appliquée, une reddition des rebelles qui contrôlent également une bonne partie du nord du Yémen.

«Demander aux rebelles de se rendre sans conditions ne marchera pas et il faut s'attendre à plusieurs mois de guerre», estime M. Salisbury.

Selon lui, ni les rebelles, soutenus par l'Iran chiite, ni le gouvernement Hadi, appuyé par l'Arabie saoudite sunnite, ne semblent prêts à faire des concessions.

Après 17 mois de conflit, les rebelles ne lâchent pas prise dans le Nord et les troupes gouvernementales tentent de leur reprendre Taëz, grande ville du sud-ouest, après avoir récupéré une bonne partie du sud.

Le gouvernement cherche également à enrayer la présence d'organisations jihadistes comme Al-Qaïda et le groupe État islamique dans le sud et le sud-est.

Les civils souffrent 

Pour les civils au Yémen, le pays le plus pauvre de la péninsule arabique, la situation humanitaire «continue de se détériorer», selon l'ONU.

Ils représentent environ la moitié des 6500 morts du conflit tandis que des millions d'habitants sont en situation alimentaire précaire souffrant de pénuries d'eau et de l'absence de soins médicaux.

Les États-Unis n'ont cessé d'appeler leurs alliés du Golfe, piliers de la coalition anti-rebelles, à épargner les civils, notamment après un raid de la coalition le 15 août contre un hôpital soutenu par Médecins sans frontières, qui a fait 19 morts.

«Il est de plus en plus clair» que des responsables de l'administration américaine s'inquiètent des pertes civiles, souligne une source diplomatique à Ryad.

M. Kerry va exprimer lors de ses entretiens «notre fort souhait que de telles victimes soient évitées dans la campagne aérienne», a dit le responsable du département d'État.

En plus des bombes de précisions fournies à la coalition, les États-Unis apportent une assistance logistique et en matière d'information à l'opération de la coalition, mais ils viennent de réduire, de 45 à 5, le nombre de conseillers directement affectés à cette opération.

Outre le Yémen, les conflits en Syrie et en Libye seront au menu des discussions de M. Kerry qui doit rencontrer vendredi à Genève son homologue russe Sergueï Lavrov pour parler des dossiers syrien et ukrainien.