Devant le Mur des Lamentations à Jérusalem, fidèles juifs et touristes sont soumis à une stricte séparation des sexes et l'annonce de la création d'un espace mixte de prière bute sur une forte opposition, même au sein du gouvernement.

La perspective d'une troisième zone - mixte -, qui écorne le monopole des Juifs ultra-orthodoxes, a déclenché un vif débat en Israël, un pays où la frontière entre le religieux et le politique est souvent poreuse.

Le sujet se trouve aujourd'hui au coeur d'une bataille politique, un test pour la coalition gouvernementale dirigée par Benyamin Nétanyahou, qui comprend des partis ultra-orthodoxes.

Le dernier épisode en date de l'épreuve de force autour de ce lieu saint du judaïsme s'est déroulé jeudi avec l'annonce par les autorités de l'interdiction du rassemblement que prévoyait dimanche l'association les «Femmes du Mur» pour prier au Mur des Lamentations à l'occasion de la «bénédiction des Cohen».

Cette prière rassemble des milliers de fidèles masculins chaque année lors de la célébration de Pessah, la Pâque juive, qui débute vendredi.

Le procureur général a annoncé que ce rassemblement était interdit, car «contraire aux coutumes locales».

Les «Femmes du Mur» ont dénoncé cette décision et prévenu qu'elles maintenaient leur projet.

Militante de cette association, Batya Kallus se bat depuis des années pour une égalité des sexes au Mur des Lamentations, vestige du Temple juif détruit en 70 par les Romains.

«Cet endroit est un lieu religieux symbolique pour les Israéliens et pour les Juifs, mais malheureusement c'est un lieu où les femmes sont exclues d'activités religieuses», déplore cette femme de 59 ans.

L'esplanade des Mosquées, site que les Juifs appellent Mont du Temple et sur lequel se situait le Temple détruit, est le lieu le plus sacré du judaïsme, mais la prière y étant interdite pour les Juifs, le Mur des Lamentations (ou mur occidental) est devenu l'endroit le plus sacré devant lequel ils peuvent prier.

Il est situé dans la Vieille ville, à Jérusalem-Est, partie palestinienne de la Ville sainte occupée et annexée par Israël.

Des années de lutte

Des militants et réformateurs réclament depuis des années un espace de prière mixte devant ce mur, alors que pour l'orthodoxie juive qui contrôle le lieu, la mixité dans un lieu de prières est totalement interdite.

Les femmes ne peuvent pas diriger de prières, mais le groupe de Mme Kallus le fait dans l'enceinte des femmes depuis plus de 20 ans, au grand dam des orthodoxes.

Après des années de lutte politique et juridique, sans oublier le harcèlement dont les «Femmes du mur» ont été victimes, un compromis avait été apparemment trouvé en janvier.

Approuvé par le gouvernement dans une décision qualifiée d'historique, un plan de construction d'un espace mixte avait été décidé par les autorités au sud de l'actuel lieu de prières.

Malgré de longues négociations, ce compromis a rapidement été attaqué par les partis ultra-orthodoxes faisant partie du gouvernement de M. Nétanyahou, mettant en péril l'avenir de la coalition.

«Il y a un statu quo sur cette question depuis des années et nous voulons le préserver», a affirmé à l'AFP Yaakov Litzman, le ministre de la Santé, à la tête du parti ultra-orthodoxe Judaïsme unifié de la Torah.

«Nous n'accepterons aucun compromis», a-t-il ajouté.

La discorde entre réformateurs et ultra-orthodoxes dépasse la question des prières sur le lieu saint. Le judaïsme ultra-orthodoxe est opposé à donner toute reconnaissance religieuse aux mouvements conservateurs et réformateurs juifs, minoritaires en Israël, mais très nombreux aux États-Unis.

Pour ces derniers, il faut faciliter les questions de conversion, mariage et divorce qui sont sous le contrôle unique du judaïsme ultra-orthodoxe en Israël.

Face à la fronde des ultra-orthodoxes, des efforts sont mis en oeuvre pour arriver à un nouveau compromis, le premier ministre Nétanyahou ayant chargé son chef de cabinet David Sharan de trouver une solution d'ici deux mois.

Malgré leurs discours publics, il semble peu probable que les partis ultra-orthodoxes abandonnent leur place dans l'un des gouvernements les plus à droite de l'histoire d'Israël et qui repose sur une fragile coalition de partis religieux et nationalistes, affirme Shouki Friedman, qui dirige le Centre pour la religion, la nation et l'État à l'Institut pour la démocratie en Israël.