Les enfants palestiniens du campement bédouin d'Abou Nouwar n'ont pas eu le temps de profiter de leur école, financée par l'aide humanitaire française et démolie par Israël aussitôt installée dans cette zone de Cisjordanie occupée considérée comme stratégique par Israéliens et Palestiniens.

Les 25 élèves, âgés de 7 ou 8 ans et répartis sur deux niveaux, ont suivi mercredi leurs cours d'arabe et d'anglais en plein air à même le sol, à l'endroit où avaient été disposés en toute fin de semaine passée des préfabriqués pour les classes et les sanitaires, a constaté une journaliste de l'AFP.

L'organe du ministère israélien de la Défense responsable des activités dans les Territoires palestiniens a confirmé à l'AFP que quatre préfabriqués avaient été enlevés dans la nuit de samedi à dimanche. Ils avaient été «illégalement installés», a-t-il dit.

La France a «condamné (le) démantèlement (d'Abou Nouwar) dans une zone identifiée par l'Union européenne comme clé pour la viabilité de la solution des deux États» palestinien et israélien coexistant en paix, dit le ministère français des Affaires étrangères sur son site.

L'armée israélienne a même «saisi les bancs et les tables», a dit à l'AFP Asma Cheiha, directrice de la petite école.

Les enseignants et les élèves sont donc retournés à la débrouille sans jouir de leur nouvelle école. Mardi, alors que le temps était beaucoup moins clément, les cours avaient été entrecoupés par les averses forçant les enfants à courir pour s'abriter.

Le campement d'Abou Nouwar est situé dans un secteur crucial dans la perspective d'un éventuel règlement du conflit israélo-palestinien. Il se trouve en Cisjordanie, territoire palestinien occupé par Israël, tout près de Jérusalem-Est, dont les Palestiniens veulent faire la capitale de leur futur État, et de l'imposante colonie israélienne de Maale Adoumim, où vivent 10 % des 400 000 colons israéliens de Cisjordanie.

Les Palestiniens s'alarment qu'Israël n'étende la colonisation dans cette zone dite E-1.

Jérusalem-Est, déjà occupée et annexée par Israël, se retrouverait cernée par les colonies, et la Cisjordanie serait coupée en deux; le territoire palestinien serait encore plus morcelé et un État palestinien ne serait pas viable, disent les Palestiniens.

«Profonde inquiétude' de l'Union européenne»

La colonisation (la construction d'implantations civiles dans les Territoires occupés) israélienne est considérée comme illégale et comme un obstacle majeur à la paix.

Les Israéliens justifient de telles démolitions par l'absence de permis de construire. Les défenseurs de la cause palestinienne objectent qu'il est extrêmement compliqué d'obtenir ces permis dans les secteurs de Cisjordanie entièrement sous contrôle israélien.

La question des constructions soutenues par les Européens dans ces zones et de leur démolition par les Israéliens est source de crispations entre les uns et les autres.

«Nous poursuivrons l'enseignement, même si c'est en plein air», dit Mme Chiha, la directrice. Pourtant, «ce n'est pas un environnement acceptable pour nos enfants en terme de scolarité et même de santé».

Daoud al-Jahaline, représentant des Bédouins d'Abou Nouwar, veut, lui, remettre sur pied une école dès que possible. «Nous vivons sur ces terres depuis des décennies et c'est notre droit de construire des écoles et des jardins d'enfants pour instruire nos enfants», dit-il.

L'Union européenne a exprimé mercredi sa «profonde inquiétude devant le nombre sans précédent de démolitions et de confiscations de structures palestiniennes», y compris d'installations financées par des aides européennes «en conformité avec la loi humanitaire internationale».

«Plus de 480 personnes ont été déplacées depuis le début de l'année du fait de ces démolitions», dit l'UE dans un communiqué.

L'envoyé spécial de l'ONU au Proche-Orient, Nickolay Mladenov, s'était alarmé la semaine passée devant le Conseil de sécurité. «Depuis début 2016, Israël a démoli en moyenne 29 structures palestiniennes par semaine, trois fois plus que la moyenne de 2015», avait-il dit.