Une trêve annoncée par l'ONU au Yémen, destinée à permettre l'acheminement d'une aide humanitaire cruciale à des millions d'habitants, semblait mort-née samedi avec la persistance des combats entre rebelles et forces pro-gouvernementales et des raids de la coalition arabe.

Le Conseil de sécurité de l'ONU avait pourtant exhorté vendredi les belligérants à «suspendre leurs opérations militaires» pendant la trêve et à «faciliter la livraison urgente d'aide humanitaire dans tout le Yémen».

Entrée en vigueur vendredi 23 h 59 locales (16 h 59 au Québec) et censée durer à la fin du mois de jeûne musulman du ramadan, le 17 juillet, cette pause a été aussitôt violée dans plusieurs régions du pays, en guerre depuis des mois.

Aidés d'unités de l'armée restées fidèles à l'ex-président Ali Abdallah Saleh, les rebelles chiites ont lancé en juillet 2014 une offensive d'envergure qui leur a permis de prendre de vastes régions dont la capitale Sanaa. Ils ont ensuite pris pied à Aden, dans le sud, poussant fin mars à l'exil le président Abd Rabbo Mansour Hadi, qui a trouvé refuge en Arabie saoudite.

Affirmant vouloir empêcher ces rebelles Houthis de s'emparer de la totalité du pays et par extension l'Iran d'élargir son influence, Riyad a pris la tête d'une coalition arabe qui bombarde depuis le 26 mars par les airs ces insurgés.

Malgré l'entrée en vigueur de la trêve, la coalition arabe a visé des positions rebelles à Taëz (centre), où faisaient rage des affrontements entre insurgés et combattants pro-gouvernementaux, selon des témoins.

Dans le sud, les raids aériens ont frappé les rebelles à Aden et dans la province voisine de Lahej, d'après des témoins. Ces frappes sont en représailles à des bombardements rebelles sur la ville, a indiqué un porte-parole des combattants pro-Hadi, Abdallah al-Dayani.

Sourds 

La coalition a également visé les rebelles dans les provinces de Dhaleh (sud) et Marib, à l'est de Sanaa.

En annonçant jeudi la trêve, l'ONU avait pourtant affirmé avoir reçu de tous les belligérants des assurances suffisantes.

Mais samedi la coalition arabe a fait savoir qu'elle «n'était pas concernée par la trêve, parce qu'elle ne comprend pas d'engagement des Houthis» à la respecter.

Elle a aussi souligné «ne pas avoir reçu de demande du gouvernement légitime» de M. Rabbo à la mettre en oeuvre, ni avoir rencontré des représentants de l'ONU pour la coordonner.

Le chef des rebelles Abdel Malek al-Houthi a quant à lui dit qu'il nourrissait «peu d'espoir» dans le «succès», de la trêve qui dépend selon lui «d'un arrêt total de l'agression saoudienne».

«Nos forces n'ont fait qu'exercer un droit de défense», a affirmé samedi le porte-parole des forces armées alliées aux rebelles, le général de brigade Sharaf Luqman. «Toute violation de la trêve par les agresseurs poussera nos forces à riposter».

«Dernier espoir»

Entre-temps, 80% de la population - soit 21 millions de personnes - ont besoin d'aide ou de protection et plus de 10 millions ont du mal à se nourrir ou à trouver de l'eau potable à cause du conflit qui a fait plus de 3200 morts, dont une moitié de civils, depuis mars, selon l'ONU.

La trêve est «notre dernier espoir», avait déclaré vendredi à l'AFP une porte-parole du Programme alimentaire mondial (PAM), Abeer Etefa, en précisant que deux bateaux remplis de nourriture et de carburant attendaient au large d'Aden.

Le PAM et ses partenaires espéraient venir en aide à plus de 2,37 millions de personnes avec cette trêve.

Depuis une semaine, le PAM est parvenu à livrer 9000 tonnes de nourriture à son entrepôt au Yémen, mais une pause dans les combats est nécessaire pour pouvoir les distribuer dans toutes les régions du Yémen, d'après Mme Etefa.

Une précédente trêve à la mi-mai avait duré cinq jours mais les combats avaient ensuite repris de plus belle.

Enfin, et malgré la guerre au Yémen, les États-Unis ont poursuivi leurs attaques contre le réseau extrémiste Al-Qaïda qui tente de profiter des combats pour s'emparer de nouveaux secteurs. Vendredi soir, dix membres d'Al-Qaïda dont trois chefs locaux ont été tués par des drones américains dans le sud-est du pays, selon un responsable local.