Des combats meurtriers ont encore eu lieu mardi au Yémen, où le conflit a suscité une nouvelle passe d'armes entre les deux puissances régionales, l'Arabie saoudite, chef de file d'une coalition hostile aux rebelles, et l'Iran, leur principal soutien.

Des affrontements opposant les partisans du président en exil Abd Rabbo Mansour Hadi, soutenus par la coalition arabe, aux rebelles chiites Houthis et à leurs alliés ont fait 64 morts mardi à travers le pays pendant que des raids aériens de la coalition ont visé des positions rebelles dans au moins cinq villes du Yémen.

Au lendemain d'une attaque au vitriol du chef des Gardiens de la révolution iraniens, un autre haut responsable iranien a accusé mardi Riyad d'avoir recours au Yémen à des tactiques dignes de «l'époque de la guerre froide».

Il faisait référence au largage par des avions saoudiens sur le territoire yéménite de tracts en arabe affirmant que la coalition soutenait «le peuple du Yémen contre l'expansion perse».

«Larguer ces tracts, qui racontent des mensonges, a pour but d'effrayer les Yéménites», a déclaré Ali Shamkhani, secrétaire du Conseil suprême de la sécurité nationale.

La veille, le général Mohammad Ali Jafari, chef des Gardiens de la révolution, armée d'élite du régime iranien, a accusé «l'Arabie saoudite traîtresse» de «marcher dans les pas d'Israël», et affirmé que «la dynastie saoudienne est au bord de la chute».

Piste détruite à Sanaa 

Le bras de fer à distance entre Riyad et Téhéran a aussi débouché sur la destruction d'une piste de l'aéroport de Sanaa, contrôlé par les rebelles.

Un avion iranien a voulu s'y poser en suivant «un itinéraire qui n'avait pas reçu d'autorisation préalable», c'est-à-dire sans être passé avant par un aéroport en Arabie saoudite, selon le général Ahmed al-Assiri.

«Afin de l'empêcher d'atterrir, les forces aériennes ont détruit la piste d'atterrissage» mardi, a expliqué à la chaîne Al-Arabiya ce porte-parole de la coalition qui met en oeuvre un embargo maritime et aérien sur le Yémen.

Cet incident va encore plus compliquer la livraison d'aide humanitaire dans un pays où la situation est déjà très critique.

Mardi, les avions de la coalition ont aussi visé une base militaire à Sanaa et celle d'Al-Anad (sud), toutes deux aux mains de la rébellion, ainsi que des positions rebelles dans les provinces de Mareb (est de Sanaa), Hodeida (ouest) et Taëz (sud-ouest), selon des témoins.

A Aden, deuxième ville du pays, des affrontements de rue se sont soldés par la mort de neuf rebelles, selon des sources proches de ces miliciens. Onze civils et combattants pro-Hadi ont aussi péri, a indiqué un responsable de la santé.

Dans la région de Lahej, 14 rebelles et 11 combattants pro-Hadi ont été tués dans une série d'accrochages pour le contrôle de la route côtière entre Aden et le détroit stratégique de Bab al-Mandeb, selon des sources militaires.

Dans la province de Mareb, 17 Houthis et deux combattants pro-Hadi ont péri, selon des sources provinciales, tribales et médicales.

«Crimes de guerre»

Les Houthis ont pris la capitale Sanaa en septembre avant d'avancer vers le sud, poussant le président Hadi à fuir Aden, où il s'était réfugié, pour s'exiler en Arabie saoudite.

L'aviation de la coalition poursuit ses bombardements entamés le 26 mars malgré l'annonce le 21 avril par Riyad de la fin de sa campagne aérienne intensive et le début d'une nouvelle phase, baptisée «Redonner l'espoir».

Le porte-parole des rebelles, le général de brigade yéménite Sharaf Luqman, a accusé Riyad de «commettre des crimes de guerre et des massacres». Il a affirmé que l'opération avait provoqué la mort de 200 personnes du côté des rebelles et de leurs alliés, dont 112 soldats, 43 policiers et 45 miliciens chiites.

Les violences ont causé la mort de 1080 personnes et 4352 autres ont été blessées, selon un bilan publié le 23 avril par l'Organisation mondiale de la santé (OMS).

M. Shamkhani a affirmé que les Iraniens étaient les seuls à venir en aide aux Yéménites en s'opposant aux raids aériens.

Le secrétaire d'État américain John Kerry, qui a rencontré son homologue iranien Mohammad Javad Zarif lundi à New York, a estimé que Téhéran devait contribuer à une solution «puisque l'Iran est évidemment un soutien des Houthis».