Au moins 28 civils ont été tués lundi par de spectaculaires explosions qui ont suivi deux raids de la coalition dirigée par l'Arabie saoudite contre un dépôt de missiles à Sanaa, au 27e jour du conflit au Yémen.

Plus de 300 personnes ont été blessées dans ces explosions décrites par des habitants comme les plus violentes dans la capitale depuis le début des frappes lancées pour empêcher des rebelles chiites et leurs alliés de contrôler l'ensemble du Yémen.

Le bilan des victimes pourrait s'alourdir, a indiqué une source médicale, faisant état de nombreux blessés graves. Il était impossible dans l'après-midi de s'approcher des lieux tant la chaleur était intense, selon un correspondant de l'AFP.

La base touchée se trouve à Fajj Attan, une colline surplombant le sud de Sanaa. Une dizaine de maisons voisines ont été détruites et une station-service a pris feu, ont indiqué des témoins.

«Ces bombardements ont eu lieu sans alerte au préalable, en violation directe du droit international humanitaire», a déploré l'ONG Action contre la faim (ACF), dont les bureaux ont été endommagés.

Anticipant la poursuite probable des raids, ACF a décidé de «suspendre temporairement» ses activités à Sanaa.

La chaîne de télévision Al-Yemen Al-Youm a été touchée: trois de ses employés ont été tués, dont un journaliste, selon des secouristes. La chaîne a suspendu ses programmes.

L'ambassade indonésienne a également été endommagée, et deux diplomates légèrement blessés, a indiqué le ministre indonésien des Affaires étrangères, Retno Marsudi, en condamnant «avec force le bombardement».

A cinq km à la ronde, les explosions ont soufflé les vitrines et endommagé habitations et véhicules.

Les agences des Nations unies n'ont cessé de déplorer le coût humain de la guerre, comptabilisant près d'un millier de morts, avant tout civils.

Les organisations humanitaires peinent à soulager la population.

Oxfam a regretté lundi un raid aérien qui a touché samedi un de ses dépôts à Saada, fief des rebelles chiites Houthis, dans le nord du Yémen.

Et un avion de Médecins sans frontières arrivé à Sanaa lundi est bloqué à l'aéroport, selon le porte-parole de la coalition arabo-sunnite, qui pointe du doigt des «difficultés» causées par les Houthis, maîtres de la capitale.

Fissures chez les rebelles 

Les Houthis ont promis de se battre jusqu'au bout contre «l'agression sauvage» menée selon eux par l'Arabie saoudite, mais des fissures sont apparues dans le camp de la rébellion.

Coup sur coup dimanche, le commandement militaire de la plus vaste province du Yémen a annoncé le ralliement de 25.000 soldats au président Abd Rabbo Mansour Hadi, réfugié en Arabie saoudite, et un parti jusqu'ici allié aux Houthis a déclaré soutenir l'appel de l'ONU à un cessez-le-feu.

Lundi, le ministre yéménite des Affaires étrangères en exil a rejeté toute médiation de l'Iran dans le conflit et a évoqué l'idée d'un «Plan Marshall arabe» pour la reconstruction du pays une fois que la stabilité sera revenue.

«Tout effort de médiation venant de l'Iran est inacceptable car l'Iran est impliqué dans le conflit au Yémen», a déclaré Ryad Yassine.

Le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a dénoncé lundi depuis Beyrouth «une entreprise de déstabilisation» de l'Iran au Yémen et a affiché son soutien à la coalition dirigée par Ryad.

L'Iran reconnaît apporter un appui aux Houthis, issus de la minorité zaïdite, mais nie leur fournir des armes. Le jeune chef de la rébellion, Abdel Malek Al-Houthi, a également rejeté dimanche soir les accusations de soutien militaire iranien à ses combattants.

Les rebelles ont conquis de vastes territoires depuis leur entrée dans Sanaa en septembre 2014 avec la complicité de troupes restées fidèles à l'ex-président Ali Abdallah Saleh, au pouvoir de 1978 à 2012.

Dimanche, le parti de l'ex-président, le Congrès populaire général (CPG), a salué «positivement la résolution 2216» adoptée le 14 avril par le Conseil de sécurité de l'ONU et rejetée par les Houthis.

Ce texte impose un embargo sur les armes contre les rebelles et les somme de se retirer de zones qu'ils ont conquises ces derniers mois.

Le parti de M. Saleh a également affirmé son soutien à un appel de l'ONU à un cessez-le-feu et à une reprise du dialogue politique au Yémen.

Lundi, les pays du Golfe ont indiqué à l'ONU qu'un cessez-le-feu ne sera possible que si les Houthis appliquent la résolution du Conseil de sécurité les appelant à céder le pouvoir, selon un responsable saoudien.

Ailleurs dans le pays, les raids et combats se poursuivaient notamment dans le Sud.

Un drone américain a tué cinq membres présumés d'Al-Qaïda à Saed, dans la province de Chabwa, en visant leurs véhicules.

L'Arabie saoudite a dans le même temps annoncé qu'un de ses soldats avait été tué dimanche par des tirs en provenance du Yémen à la frontière des deux pays, le 8e depuis le 26 mars.

La Marine américaine a annoncé que les États-Unis avaient rapproché leur porte-avions Theodore Roosevelt du Yémen pour «s'assurer que les routes maritimes vitales de la région restent ouvertes et sûres».

Washington «surveille» un convoi de bateaux iraniens qui pourrait se diriger vers le pays, selon des responsables américains.