Le président du Yémen Abd Rabbo Mansour Hadi a condamné les attentats suicide revendiqués par le groupe État islamique (EI), qui ont fait 142 morts à Sanaa, affirmant qu'ils visaient à enfoncer le pays dans le chaos.

Le Yémen est au bord de la guerre civile avec une grave crise politique, un territoire morcelé et des violences impliquant plusieurs groupes militaro-religieux dont la milice chiite des Houthis qui contrôle Sanaa et le réseau sunnite Al-Qaïda implanté dans le sud-est du pays.

Rendant le conflit encore plus complexe, le groupe djihadiste EI qui sévit dans plusieurs pays arabes, loin des frontières yéménites, y est apparu pour revendiquer les attentats de Sanaa, les plus sanglants jamais commis dans la capitale yéménite, et en promettre d'autres.

Dans tout cela, M. Hadi, considéré comme le président légitime par la communauté internationale, voit son pouvoir marginalisé et a pris refuge à Aden, la capitale du sud, après sa fuite de Sanaa.

«Les attaques haineuses» et «lâches» de Sanaa «ne peuvent avoir été perpétrées que par les ennemis de la vie», qui veulent enfoncer le Yémen dans le «chaos, la violence et les luttes intestines», a-t-il dit dans une lettre adressée aux familles des victimes et publiée dans la nuit de vendredi à samedi par son bureau.

Quatre kamikazes ont détoné leurs explosifs vendredi lors de la prière dans deux mosquées fréquentées par des fidèles chiites dont les Houthis, faisant 142 morts et 351 blessés.

«L'extrémisme chiite, représenté par les Houthis, et l'extrémisme sunnite, représenté par Al-Qaïda, sont les deux faces d'une même pièce qui ne souhaitent ni le bien ni la stabilité du Yémen», a ajouté M. Hadi, dont l'autorité est contestée par ces deux groupes et leurs alliés au Yémen.

«Ouvrir d'autres fronts»

Al-Qaïda, qui se bat contre les pro-Hadi et les Houthis, a affirmé vendredi qu'elle ne visait pas les mosquées dans ses opérations.

C'est l'EI qui a revendiqué les attaques, ses premières au Yémen, en les présentant comme «la partie émergée de l'iceberg». Ce groupe extrémiste sunnite s'est emparé de vastes territoires en Syrie et en Irak et a revendiqué des attaques en Libye et en Tunisie où 20 touristes et un Tunisien ont péri mercredi.

Dans une première réaction aux attentats de Sanaa, le porte-parole des Houthis, Mohammed Abdelsalam, a dénoncé samedi une «guerre claire contre le peuple et sa révolution populaire», le terme utilisé par la milice  pour désigner la prise de Sanaa.

«Il est désormais impératif d'achever les étapes de la révolution», a dit sans explication le porte-parole du mouvement, soutenu par l'ex-président Ali Abdallah Saleh auquel des officiers et soldats de l'armée sont restés  fidèles.

Mais des sources militaires ont indiqué que 1200 membres des forces spéciales pro-Saleh étaient arrivés dans une vingtaine de véhicules blindés dans une base militaire à Taëz, ville située sur le chemin d'Aden, distante de seulement 180 km.

Des centaines de personnes ont manifesté devant la base pour demander le retour des forces à Sanaa.

«Les explosions à Sanaa vont être prises désormais comme des excuses pour ouvrir de nouveaux fronts, en attaquant Taëz et Marib (est)», estime un analyste politique, Bassem al-Hakimi, alors que les Houthis, outre Sanaa, ont étendu leur influence sur l'ouest et le centre du pays.

«Catastrophe absolue»

L'ONU a condamné ces attentats, tout comme Washington qui cherche toutefois à vérifier l'implication de l'EI. L'Iran, soupçonné de soutenir les Houthis, les a aussi condamnés affirmant être prêt «à accueillir les blessés».

Et la France s'est alarmée de «la catastrophe absolue» au Yémen, appelant l'ONU à agir pour «éviter la partition» alors que le pays à majorité sunnite est dominé au nord par les Houthis et au sud par les pro-Hadi.

Mais même à Aden, le président n'est pas à l'abri, son palais ayant été visé par un raid aérien jeudi et des combats avaient opposé ses forces à celles d'un général rebelle qui a finalement dû fuir la ville.

Pour Mathieu Guidère, professeur d'islamologie à l'université de Toulouse (France), «le Yémen évolue vers une situation à la syrienne et à l'irakienne avec une guerre civile à caractère confessionnel, opposant sunnites aux chiites».