La mort du roi Abdallah et son remplacement par le prince héritier Salmane ne devrait pas entraîner de chamboulements importants dans les orientations de l'Arabie saoudite.

La plupart des analystes qui scrutent les jeux de coulisses complexes du riche pays pétrolier notent que le nouveau monarque, âgé de 79 ans, paraît peu susceptible d'entreprendre des réformes d'envergure.

Il a laissé peu de doutes à ce sujet dans sa première allocution télévisée.

«Nous resterons, avec la force de Dieu, sur le chemin droit que cet État a suivi depuis sa création par le roi Abdel Aziz ben Saoud et par ses fils après lui», a-t-il déclaré selon l'Agence France-Presse.

«Ce sera du pareil au même en matière de politique étrangère et de politique pétrolière», relève Gregory Gause, professeur de relations internationales à l'Université Texas A & M, qui connaît bien le pays.

Pas de tremblement de terre à prévoir non plus sur le plan de la politique intérieure, relève M. Gause, qui ne serait pas étonné d'assister à un recul sur la question des droits de la personne. «Le nouveau roi est un homme très conservateur», souligne-t-il.

Un analyste cité vendredi par la BBC, Gerald Butt, relève dans la même veine que le nouveau dirigeant saoudien est très peu susceptible de vouloir croiser le fer avec les chefs religieux du pays pour assouplir l'application de la charia.

Plusieurs organisations de défense des droits de la personne ont réagi à l'annonce de la mort du roi Abdallah en appelant le pays à revoir ses façons de faire.

Amnistie internationale a déploré que le régime soit «insensible» à la question, réitérant au passage ses critiques relativement au sort du blogueur Raif Badawi, qui a été condamné à 1000 coups de fouet.

Lutte contre le terrorisme

Selon M. Gause, la principale préoccupation du régime sur le plan intérieur sera d'abord et avant tout la lutte contre le terrorisme. Des centaines de Saoudiens sont allés combattre en Syrie avec le groupe État islamique et se sont radicalisés avant de rentrer, faisant craindre une reprise des attentats qui ont secoué le pays au milieu des années 2000.

«Le groupe État islamique n'a pas la capacité de remettre en cause le régime. Mais comme Al-Qaïda dans les années 2000, il a probablement la capacité de frapper», affirme le professeur.

La branche d'Al-Qaïda au Yémen, ajoute-t-il, constitue une autre menace non négligeable pour les Saoudiens.

Par ailleurs, M. Gause ne pense pas que le changement de garde en Arabie saoudite va entraîner un bouleversement en profondeur de ses liens historiques avec les États-Unis.

«Il y a des divergences en matière de politiques, mais ce n'est pas une question de personnalités», souligne-t-il.

Sami Aoun, spécialiste du Moyen-Orient attaché à l'Université de Sherbrooke, note que les relations entre les deux pays s'étaient passablement refroidies après les attentats du 11 septembre 2001, notamment en raison de la présence de plusieurs Saoudiens parmi les membres du commando terroriste et du soutien allégué de certains membres de la famille royale à des organisations salafistes radicales.

Les divergences de vues en matière de politique étrangère ont aussi contribué à une certaine distanciation, relève-t-il.

L'Arabie saoudite aurait notamment souhaité que le gouvernement américain joue un rôle plus actif en vue de renverser le régime de Bachar al-Assad en Syrie.

Les dirigeants du régime sunnite, qui est engagé au Moyen-Orient dans une impitoyable lutte d'influence avec l'Iran chiite, sont aussi irrités par les efforts de rapprochement des États-Unis avec Téhéran sur le dossier nucléaire.

Selon M. Aoun, la décision de Riyad d'augmenter sa production de pétrole - qui favorise une baisse importante du cours du baril - vise notamment à pénaliser le régime iranien.

«Les Saoudiens peuvent endurer un baril autour de 40 ou 50 $ pendant quatre ou cinq ans, mais les Iraniens ne peuvent pas tolérer longtemps un baril à moins de 90 ou 100 $», affirme l'analyste, qui n'entrevoit pas non plus de changement à court terme de la politique énergétique saoudienne.