La capitale yéménite était de fait mardi sous le contrôle quasi total des rebelles chiites, dont le chef Abdel Malek al-Houthi a crié «victoire» tout en se posant en rassembleur de toutes les composantes du pays.

Peu auparavant, le président Abd Rabbo Mansour Hadi, considérablement affaibli, a dénoncé un complot aux ramifications extérieures.

Moins de 48 heures après un accord conclu sous l'égide de l'ONU et censé ramener la paix dans le pays, les combattants chiites d'Ansaruallah étaient partout dans Sanaa. Ils ont dressé des barrages de contrôle et mis en place des patrouilles mobiles, selon des correspondants de l'AFP. Peu d'habitants sont allés travailler et de rares commerces étaient ouverts.

Après avoir fêté la prise de la ville lundi soir avec des tirs en l'air et des feux d'artifice, M. Houthi a félicité «le peuple pour la victoire de sa révolution», dans un discours télévisé retransmis sur des écrans géants sur une place de Sanaa.

Basé dans son fief de Saada (nord), il a dit «tendre la main» au parti islamiste sunnite Al-Islah, ennemi juré des rebelles chiites, et défendre le Mouvement sudiste pour «restaurer l'unité nationale».

Au palais présidentiel, le chef de l'État, visiblement affecté par la tournure des évènements, a dénoncé un complot, en évoquant des interférences étrangères.

«Ce qui se passe à Sanaa est un complot» de nature à provoquer une guerre civile, a-t-il affirmé devant la presse, en promettant de s'employer à «rétablir l'autorité de l'État».

«Forces externes»

«Nous sentons qu'il y a eu un complot qui dépasse les limites de la patrie et qui implique des forces internes et externes», a-t-il martelé, sans identifier ces parties.

Dans le passé, Sanaa avait accusé l'Iran de soutenir les rebelles chiites au Yémen, pays à majorité sunnite.

«Vous avez dû ressentir un choc en apprenant que des institutions publiques et des installations militaires ont été remises (aux rebelles), mais sachez que le complot était déjà en marche», a encore dit le président.

Avant lui, l'émissaire de l'ONU Jamal Benomar - qui a parrainé l'accord ayant mis fin dimanche soir aux combats dans le nord de Sanaa entre les rebelles et leurs adversaires du parti sunnite Al-Islah épaulés par l'armée - s'est étonné de l'effondrement des institutions civiles et militaires.

«Ce qui s'est passé ces derniers jours pourrait entraîner l'effondrement de l'État yéménite et la fin du processus de transition politique», a prévenu M. Benomar dans une interview à la chaîne Al-Arabiya basée à Dubaï.

Le Yémen est engagé dans une difficile transition politique depuis le départ négocié en 2012 de l'ancien président Ali Abdallah Saleh, dans la foulée du Printemps arabe.

Selon des correspondants de l'AFP, les principaux barrages rebelles ont été dressés sur la route de l'aéroport, dans le nord de la capitale, sur l'avenue Zoubeïri qui traverse la ville d'est en ouest, sur la grande artère de Hatta (sud) et sur l'avenue Ziraa.

D'autres combattants lourdement armés sillonnaient les rues de la capitale à bord de véhicules tout-terrain tandis que de petites unités rebelles montaient la garde, avec quelques membres de la police militaire, devant les ministères et les sièges des institutions de l'État.

Pillages

Selon de nombreux témoins, des combattants rebelles pillaient les résidences de responsables d'Al-Islah à Sanaa et des baraquements de l'armée, emportant tout sur leur passage.

La résidence de Tawakkol Karman, prix Nobel de la paix 2011, et membre du parti Al-Islah, a été également pillée, selon des témoins.

Deux grands hôpitaux de Sanaa, Sobol al-Hayat et celui de l'Université des sciences et de la technologie, ont été fermés par les rebelles sous prétexte qu'ils étaient dirigés par des responsables d'Al-Islah.

L'accord de dimanche, mettant fin à des combats ayant fait plus de 200 morts à Sanaa selon le ministère de la Santé, prévoyait une cessation «immédiate» des hostilités, la nomination sous trois jours d'un nouveau premier ministre et la formation dans un mois d'un nouveau gouvernement.

Les rebelles ont refusé de signer une annexe de l'accord prévoyant le désarmement des milices à Sanaa et dans les provinces voisines, et lundi, ils s'étaient emparés de blindés et de sites militaires.

La forte présence des combattants chiites à Sanaa suscitait les craintes de nombreux habitants, l'un d'eux affirmant: «l'Iran contrôle désormais Sanaa».

PHOTO KHALED ABDULLAH, REUTERS

Les rebelles chiites, appelés Houthis, ont dressé des barrages de contrôle sur les principales artères de la ville et y effectuaient des patrouilles.