Plus d'un millier de manifestants antifraude ont défilé dans le calme samedi à Kaboul, en pleine crise politique déclenchée par Abdullah Abdullah, le candidat arrivé en tête au premier tour de la présidentielle, qui dénonce des irrégularités «flagrantes» à son détriment.

Plusieurs cortèges ont arpenté les rues de Kaboul jusqu'à la mi-journée. Particulièrement déterminés, les manifestants brandissaient des banderoles sur lesquelles on pouvait lire : «Nous défendrons notre vote, jusqu'à la dernière goutte de notre sang».

Les cortèges se sont ensuite rejoints dans le nord de la ville près l'aéroport, avant de se disperser sans incidents.

Ces manifestations, placées sous haute surveillance, interviennent dans un contexte de crise aiguë, après un second tour, le 14 juin, qui s'est pourtant déroulé sans violences majeures et qui a été salué comme un succès par la communauté internationale.

Cette élection marque un tournant crucial en Afghanistan, après 13 années de présidence d'Hamid Karzaï qui dirige le pays depuis la chute des talibans en 2001. D'autant que ce premier passage de relais d'un président élu à un autre devrait s'effectuer au moment du retrait des troupes de l'OTAN d'ici à la fin 2014.

D'où l'inquiétude de la communauté internationale à mesure que la tension monte entre les partisans des deux candidats, Abdullah Abdullah, arrivé en tête au premier tour de la présidentielle le 5 avril avec 45 % des voix et son rival Ashraf Ghani (31,6 %).

Samedi, au cours d'un point de presse dans la capitale afghane, le chef adjoint de la mission des Nations unies en Afghanistan, Nicholas Haysom, a assuré que «le fait d'exprimer ses inquiétudes est un droit parfaitement démocratique», mais il a averti que toute irruption de violence pourrait «engendrer une spirale d'instabilité».

Asar Hakimi, l'un des principaux organisateurs des manifestations de samedi, a dit à l'AFP qu'il craignait «qu'une fraude à un tel niveau, sans précédent, ne décourage la communauté internationale qui a versé de l'argent et du sang pour aider l'Afghanistan à se relever».

Votes frauduleux

M. Hakimi a précisé les trois revendications des manifestants : écarter les organisateurs de la fraudes, mettre en place une commission soutenue par la communauté internationale afin de traiter le problème de la fraude, invalider les votes frauduleux.

Si les manifestants ne se réclament pas de M. Abdullah, affirmant qu'il s'agit d'un mouvement «pour la démocratie et contre la fraude», leurs revendications correspondent aux demandes formulées par le candidat.

Et samedi à Kaboul, certains manifestants arboraient des portraits d'Abdullah Abdullah et du commandant moudjahidine tué en 2001 Ahmad Shah Massoud.

M. Abdullah avait annoncé cette semaine qu'il boycottait la commission électorale indépendante (IEC) et qu'il rejetterait tout résultat annoncé par cet organisme en raison, selon lui, de fortes suspicions de fraude à son détriment.

Le candidat mécontent estime notamment trop élevé le chiffre de sept millions de votants, sur quelque 13,5 millions d'inscrits, au second tour annoncé par l'IEC, ce qui implique, selon lui, l'existence de votes frauduleux.

Le camp Abdullah dénonce l'implication de M. Ghani, bénéficiaire présumé de la fraude et du président Hamid Karzaï, responsable, selon lui, de la situation.

M. Abdullah s'est toutefois refusé à jeter de l'huile sur le feu cette semaine en affirmant qu'il attendait de ses partisans «qu'ils respectent les lois afghanes et les intérêts nationaux».

Ashraf Ghani a rejeté en bloc les accusations de son rival, affirmant qu'il s'agissait d'un «manque de respect» pour ses électeurs.

De son côté, le président Karzaï s'est montré accommodant vendredi en intervenant pour la première fois dans le processus électoral. Dans un communiqué, il a approuvé une médiation de l'ONU, proposée par M. Abdullah, pour tenter de trouver une solution à la crise.

Répondant à cette proposition, M. Haysom a déclaré samedi : «nous sommes prêts à les aider (les Afghans, ndlr) afin de sortir de cette impasse politique» en servant de «pont» entre les deux camps.

En 2009, M. Abdullah, s'était retiré au deuxième tour de la présidentielle en évoquant des fraudes, laissant de facto la présidence à Hamid Karzaï.

Des résultats préliminaires sont attendus le 2 juillet et l'IEC prévoit de proclamer le nom du nouveau président le 22 juillet.