La Palestine a remporté vendredi une nouvelle victoire politique à l'UNESCO, en obtenant à Doha qu'un paysage de Cisjordanie menacé par le mur israélien, autour du village de Battir au sud de Jérusalem, soit déclaré «patrimoine mondial en péril».

«Ce site est inscrit : félicitations à la Palestine!», a lancé la présidente du Comité du patrimoine mondial, cheikha Al Mayassa bint Hamad Al Thani, à l'issue d'un vote secret remporté à une voix près et contre l'avis des experts conseillant l'UNESCO.

Le vote a eu lieu dans le cadre d'une procédure d'urgence : «Palestine : terre des oliviers et des vignes - Paysage culturel du sud de Jérusalem, Battir, Palestine» est ainsi inscrit à la fois au patrimoine mondial et sur la liste du patrimoine mondial en péril.

L'annonce du vote a provoqué un brouhaha dans l'enceinte et plusieurs ambassadeurs auprès de l'UNESCO, qui avaient défendu la valeur universelle exceptionnelle du site et fait valoir le danger imminent qui pesait sur lui contre l'avis des experts, se sont empressés de féliciter leur collègue de Palestine, Elias Sanbar.

«Ceux qui ont voté pour cette inscription disent que seule la chute des murs assure l'avènement de la paix et de la réconciliation», a martelé l'ambassadeur palestinien. «Vous venez de prendre, au-delà de l'inscription de Battir, une décision courageuse contre l'enfermement, l'exclusion et la domination», a-t-il dit.

De son côté, la représentante de la délégation israélienne, Shuli Davidovich, a déploré «un jour noir pour l'UNESCO». «Nous regrettons que le Comité ne se soit pas montré capable de lutter contre cette politisation», a-t-elle dit.

La Palestine a réussi à isoler Israël au sein des 21 membres du comité du patrimoine mondial. Seuls trois ont voté contre l'inscription de ce site sur la liste du patrimoine mondial en péril, onze votant pour, alors qu'il fallait dix voix pour atteindre la majorité.

Oliviers datant de l'époque romaine

La représentante de l'ICOMOS (Conseil international des monuments et des sites), une ONG qui conseille l'UNESCO, a soutenu un projet de décision défavorable à la candidature de la Palestine.

«Il existe de nombreux paysages qui s'étendent des deux côtés de limites politiques et il n'est pas toujours possible de protéger un paysage dans son ensemble sauf s'il y a une proposition d'inscription transnationale», a-t-elle fait valoir.

Elle a souligné que seule la Palestine avait présenté cette candidature.

Or, «la définition d'une urgence concernant le bien proposé pour inscription ne pourrait pas, du point de vue de l'ICOMOS, permettre au Comité du patrimoine mondial de prendre des mesures susceptibles d'influencer les actions d'un État partie qui n'est pas associé au bien», a-t-elle dit en référence à Israël.

Mais les représentants des pays membres du Comité ont pris la parole pour défendre l'un après l'autre la candidature de la Palestine.

«Vous nous avez expliqué qu'il y a des oliviers qui dateraient de l'époque romaine : si cela n'est pas exceptionnel où trouvez-vous l'exceptionnalité?», s'est exclamé le représentant du Sénégal. «Battir est en danger, parce que le mur est là», a-t-il dit.

La vallée de Battir est connue pour ses terrasses agricoles, toujours exploitées, et son système d'irrigation datant de l'Antiquité. Elle est située tout près de la ligne de démarcation dessinée en 1949 entre Israël et la Cisjordanie.

«Ce site mérite d'être protégé et immédiatement», a dit la responsable de la délégation algérienne, soutenue par la Malaisie.

«Les conclusions de l'ICOMOS sont nulles et non avenues», a tranché le délégué du Liban, proposant alors un amendement déclarant le site au patrimoine mondial et l'inscrivant sur la liste du patrimoine en péril.

«Tout à fait d'accord : nous devons être les défenseurs de la paix», a dit la Turquie. Le Kazakhstan, le Pérou, le Qatar, l'Inde ont tous défendu la double inscription.

Les Palestiniens avaient revendiqué en juin 2012 une première victoire «historique» en obtenant l'inscription par l'UNESCO de la basilique de la Nativité de Bethléem, en Cisjordanie, au Patrimoine mondial.

Pour le ministère palestinien des Affaires étrangères, c'était la première fois que la Palestine exerçait son droit souverain en tant que nation.

La barrière de séparation israélienne en Cisjordanie est devenue le symbole décrié de l'occupation pour les Palestiniens qui le baptisent «mur de l'apartheid».