L'ancien ministre Abdullah Abdullah, arrivé largement en tête du premier tour de l'élection présidentielle en Afghanistan, a fait dimanche un nouveau pas vers la victoire en glanant le soutien d'un candidat proche du pouvoir sortant, Zalmai Rassoul.

Ce scrutin, première passation de pouvoir d'un président afghan démocratiquement élu à un autre, est considéré comme un test majeur pour ce pays pauvre, en partie contrôlé par les insurgés talibans, et qui plongera dans l'inconnu après le retrait des 51 000 soldats de l'OTAN d'ici à la fin de l'année.

«J'annonce aujourd'hui mon soutien à l'équipe pour les réformes et la participation dirigée par Abdullah Abdullah», a déclaré Zalmai Rassoul lors d'une conférence de presse à Kaboul.

Âgé de 70 ans, ce proche du chef de l'État sortant Hamid Karzaï avait quitté fin 2013 ses fonctions de ministre des Affaires étrangères pour se lancer dans la course à la présidence.

Au terme d'une campagne active, mais semblant parfois dénuée de passion, il avait terminé troisième du premier tour du 5 avril avec 11,5 % des voix, derrière M. Abdullah (44,9 %), et Ashraf Ghani (31,5 %), un ancien économiste de la Banque mondiale, selon les résultats préliminaires publiés fin avril.

Au total, huit candidats étaient en lice pour succéder à Hamid Karzaï, seul homme à avoir dirigé l'Afghanistan depuis la chute des talibans en 2001 et à qui la Constitution interdit de briguer un troisième mandat.

Un second tour de la présidentielle opposant MM. Abdullah et Ghani pourrait avoir lieu à la mi-juin, après publication des résultats définitifs du premier tour dans les jours prochains qui devraient tenir compte des multiples plaintes pour fraudes formulées par les candidats.

«Pour le bien de l'unité nationale et la stabilité politique, je demande aux citoyens de voter pour le Dr Abdullah, pour que nous puissions remporter l'élection», a déclaré M. Rassoul.

«Une seule et même équipe»

Présent à ses côtés, M. Abdullah, figure de l'opposition et ancien ministre des Affaires étrangères, a salué «un grand jour dans l'histoire de l'Afghanistan en vue du renforcement de l'unité nationale».

«Nous sommes désormais une seule et même équipe, déterminée à travailler avec sincérité et honnêteté pour remplir les engagements que nous avons pris auprès de la population», a assuré M. Abdullah, dont la candidature a des airs de revanche après la précédente élection présidentielle de 2009.

Arrivé en deuxième position, il s'était retiré en dénonçant, comme nombre d'observateurs, des fraudes massives, entraînant la réélection de facto de M. Karzaï.

L'alliance entre MM. Abdullah et Rassoul constitue le premier rebondissement majeur d'un entre-deux tours jusqu'ici plutôt calme et éclipsé par les glissements de terrain dans le nord-est du pays qui ont fait plus de 300 morts la semaine dernière.

«Cela change la donne au profit de M. Abdullah», a estimé l'analyste afghan Ahmad Saeedi. «S'il y a un second tour, M. Abdullah sera clairement vainqueur».

En théorie, le report des voix offre en effet à M. Abdullah la possibilité d'atteindre la majorité absolue, le soutien de M. Rassoul lui permettant de conquérir une partie de l'électorat pachtoune, la population la plus importante en Afghanistan, surtout dans le sud du pays où il a réalisé ses plus mauvais scores.

L'organisation d'un second tour suscite des inquiétudes en Afghanistan, le scrutin devant se dérouler en pleine saison des combats.

Les talibans, qui n'avaient pas réussi à empêcher une importante participation lors du premier tour, pourraient tenter à nouveau de saboter l'élection en multipliant les attaques, a estimé l'analyste Abdul Waheed Wafa, de l'université de Kaboul.

«Ils sont déterminés à perturber l'élection, et leurs menaces mettent une énorme pression sur les forces de sécurité», a-t-il dit.

Un vainqueur pourrait être désigné avant l'heure à l'issue de négociations entre les candidats, mais aucun des favoris n'a encore publiquement évoqué cette possibilité.