L'Arabie saoudite a classé vendredi les Frères musulmans et des groupes jihadistes comme «organisations terroristes» et a lancé un ultimatum à ses ressortissants combattant à l'étranger de rentrer, dans une tentative de parer à toute menace islamiste.

Ces décisions constituent une escalade majeure contre les Frères musulmans, Riyad étant l'un des principaux appuis aux militaires en Égypte qui les ont renversés, et témoignent des craintes croissantes du royaume d'un retour au pays de Saoudiens aguerris combattant dans les rangs des organisations jihadistes en Syrie.

Elles surviennent dans un contexte de grave crise entre le Qatar d'une part, qui soutient la mouvance islamiste dans les pays arabes, et l'Arabie saoudite, Bahreïn et les Émirats arabes unis qui ont rappelé leurs ambassadeurs de Doha cette semaine pour protester contre cette politique.

Le ministère saoudien de l'Intérieur a publié une liste «nouvellement créée»d'organisations et de groupes prohibés, énumérant notamment Al-Qaïda et ses branches au Yémen, en Irak et en Syrie (le Front Al-Nosra). Il cite également «les Frères musulmans, l'État islamique en Irak et au Levant (EIIL), le Hezbollah en Arabie saoudite et les rebelles Houthis».

Le «Hezbollah en Arabie saoudite» est un groupuscule clandestin chiite qui s'est manifesté quelquefois dans le passé et qui serait appuyé par l'Iran, la Syrie et le Hezbollah libanais. Les Houthis sont les rebelles chiites zaïdites qui contrôlent des régions du nord du Yémen proches de la frontière saoudienne.

Al-Qaïda, qui avait mené des attaques meurtrières entre 2003 et 2006 dans le royaume, est un groupe hors-la-loi. Selon des sources politiques, le mouvement Al-Sahwa, dirigé par le prédicateur Salman Al-Auda et situé dans la mouvance des Frères musulmans, a connu récemment un regain d'activité.

Premier exportateur de pétrole au monde, l'Arabie saoudite, monarchie absolue héréditaire et berceau de l'islam, applique une version extrêmement rigoriste de l'islam, le wahhabisme. Il interdit les partis politiques, tout écart de conduite en général, ainsi que toute mixité.

Selon le communiqué du ministère, toute personne qui «appuiera moralement ou financièrement» les organisations incriminées, «exprimera ses sympathies» à leur égard ou fera leur «promotion à travers les médias ou les réseaux sociaux» sera poursuivie en justice.

Il a en outre annoncé une série de mesures de nature à museler toute opposition dans le royaume, épargné jusque-là par le Printemps arabe.

Ainsi, «les appels, la participation, la promotion ou l'instigation aux sit-in, manifestations, rassemblements et communiqués communs» seront passibles de prison, ajoute le texte.

«Il est à craindre que ce texte ne soit interprété de façon à museler la liberté d'expression», a déclaré à l'AFP le sociologue Khaled Al-Dakheel.

Dans ce contexte de durcissement, l'Arabie saoudite a donné à ses ressortissants combattant à l'étranger un délai de 15 jours à partir de ce vendredi pour rentrer au pays, ou faire face à la justice.

Même si Riyad soutient la rébellion contre le régime du président syrien Bachar al-Assad, le royaume se défend de soutenir les groupes extrémistes comme l'EIIL et le Front Al-Nosra et craint le retour au pays de centaines, voire de milliers, de jihadistes extrémistes.

L'implication de Saoudiens dans des groupes jihadistes fait craindre à Riyad la réédition, à leur retour, des attaques d'Al-Qaïda dans le royaume menées alors par des vétérans d'Afghanistan.

La télévision officielle saoudienne a diffusé mercredi, pour la première fois, les aveux d'un jihadiste de l'EIIL repenti qui a appelé les jeunes à ne pas se rendre en Syrie pour combattre.

Début février, Riyad avait annoncé que tout Saoudien participant à des combats à l'étranger et faisant partie de «groupes terroristes» serait passible de peines allant de trois à 20 ans de prison.

Depuis un an, les autorités multiplient les mises en garde aux Saoudiens tentés de s'engager aux côtés des rebelles syriens, majoritairement sunnites.

Craignant une contagion du Printemps arabe, le royaume  avait notamment intensifié sa campagne contre les militants des droits de l'Homme et les organisations internationales de défense des droits de l'Homme qui l'avaient maintes fois appelé à des réformes.

Dans la province orientale du royaume, riche en pétrole, des troubles sporadiques avaient eu lieu, la minorité chiite se plaignant de discriminations de la part du pouvoir sunnite.