Des tribus et des policiers ont repris deux quartiers de la ville de Ramadi des mains de combattants d'Al-Qaïda, qui contrôlent cependant toujours Fallouja, à quelques dizaines de kilomètres à peine de Bagdad.

Des combattants de l'État islamique en Irak et au Levant (EIIL, lié à Al-Qaïda) ont pris le contrôle la semaine dernière de Fallouja et de plusieurs quartiers de Ramadi, dans la province d'Al-Anbar à 60 et 100 km à l'ouest de la capitale.

C'est la première fois que des hommes armés prennent aussi ouvertement le contrôle de zones urbaines depuis l'insurrection qui a suivi l'invasion américaine de 2003.

Vendredi, des membres de tribus et la police locale sont parvenus à reprendre les quartiers de Malaab et Fursan à Ramadi, a indiqué à l'AFP un commandant d'une milice tribale, Mohammed Khamis Abu Risha.

«Nous avons combattu l'EIIL aux côtés de nos fils des forces de police locales qui ont pu revenir dans leur commissariat», a-t-il ajouté, précisant que les combattants de l'EIIL «contrôlent seulement 10% de Ramadi».

Un journaliste de l'AFP sur place a constaté que des membres de tribus et des policiers contrôlaient les deux zones.

M. Abu Risha, neveu d'un puissant cheikh tribal, avait soutenu les protestations anti-gouvernement, mais il a trouvé dans l'EIIL un ennemi commun avec Bagdad.

Par ailleurs, un médecin a évoqué un bilan de deux civils tués ainsi que de quatre civils et huit insurgés blessés.

À Fallouja, un responsable religieux, cheikh Abdulhamid Jadua, a appelé lors de la prière du vendredi les cheikhs de la région à intervenir pour résoudre la crise, tout en prévenant que le gouvernement ne devait pas «avoir recours à l'armée pour les combats à l'intérieur des villes».

Ces derniers jours, l'ONU et plusieurs ONG ont prévenu que le blocus imposé par les autorités à Fallouja et dans les environs privait les civils d'approvisionnement en eau, en nourriture et en carburant, essentiel pour faire fonctionner les générateurs d'électricité.

Selon le Croissant Rouge irakien, les combats à Fallouja ont poussé plus de 13.000 familles à fuir dans des régions voisines.

Les violences, déclenchées le 30 décembre avec le démantèlement à Ramadi d'un camp de protestataires sunnites anti-gouvernementaux, ont fait plus de 250 morts, selon un décompte de l'AFP fondé sur des sources médicales et officielles.

«Contrebande»

Il y a une semaine, des centaines d'hommes armés, arborant pour certains le drapeau noir des djihadistes, ont participé sur une place du centre de Fallouja à la grande prière hebdomadaire, au cours de laquelle un combattant avait solennellement déclaré la ville «État islamique», selon un témoin et des images diffusées par les djihadistes.

Depuis, des policiers chargés de la circulation ont repris leur poste dans les rues de Fallouja, toujours sous le contrôle d'hommes armés et masqués, selon un journaliste de l'AFP.

Après avoir annoncé une attaque majeure contre la ville et déployé des renforts tout autour, l'armée a assuré qu'elle ne mènerait pas d'assaut dans l'immédiat, pour éviter des victimes civiles.

Une attaque contre Fallouja risque d'aggraver les tensions entre la minorité sunnite et le gouvernement, et constitue un défi de taille pour les forces gouvernementales qui n'ont encore jamais mené une opération de cette ampleur depuis le départ des derniers soldats américains il y a deux ans.

La crise à Al-Anbar et la persistance d'un niveau élevé de violences dans le reste du pays constituent l'une des menaces les plus importantes pour le premier ministre chiite Nouri al-Maliki, au pouvoir depuis huit ans, à quelques mois des élections législatives prévues en avril.

M. Maliki doit aussi faire face à une montée des tensions avec les autorités de la région autonome du Kurdistan, dans le nord du pays.

Le Kurdistan a annoncé début janvier avoir commencé à exporter du pétrole via la Turquie, ce que le ministère du Pétrole à Bagdad a qualifié vendredi de «contrebande», en violation de la Constitution.

D'autres violences ont eu lieu vendredi dans le pays. Trois policiers ont été abattus dans la province de Diyala (est) et un autre dans la province de Ninive (nord), selon des sources médicales et de sécurité.