Le secrétaire d'État John Kerry a multiplié les déclarations rassurantes avant son entretien lundi à Riyad avec le roi Abdallah pour tenter d'aplanir les divergences sur les dossiers syrien et iranien avec le principal allié de Washington dans le Golfe.

«Nous avons beaucoup de choses importantes à discuter, pour nous assurer que les relations américano-saoudiennes sont sur la bonne voie et qu'elles vont de l'avant», a déclaré M. Kerry devant le personnel de l'ambassade des États-Unis dans la capitale saoudienne.

Il a souligné que les Saoudiens, dont les étroites relations avec les États-Unis remontent aux années 1930 du siècle dernier, étaient «le principal acteur dans le monde arabe».

L'Arabie saoudite, qui appuie la rébellion contre le président Bachar al-Assad, reproche aux États-Unis son inaction face au drame syrien, ne cachant pas sa colère après que le président Barack Obama a renoncé en septembre à des frappes contre le régime Assad.

Riyad s'inquiète également d'un éventuel rapprochement américano-iranien dont les monarchies arabes du Golfe feraient les frais, après l'élection du modéré Hassan Rohani comme président de l'Iran.

John Kerry s'est dit «particulièrement reconnaissant» au roi Abdallah, âgé de 90 ans et à la santé déclinante, de lui accorder une audience «alors qu'il ne voit pas beaucoup de monde ces jours-ci».

Il s'agira de la première rencontre entre le souverain saoudien et John Kerry depuis qu'il a pris ses fonctions de secrétaire d'État.

M. Kerry doit «réaffirmer la nature stratégique des relations» bilatérales qui ont perduré malgré les turbulences, selon sa porte-parole Jennifer Psaki.

Il doit aussi évoquer avec le roi Abdallah la manière de «mettre fin à la guerre en Syrie», la situation en Égypte où Riyad appuie sans réserve le pouvoir des militaires et les négociations entre les grandes puissances et l'Iran sur le dossier nucléaire controversé iranien, d'après elle.

«Tactiques» différentes

Déjà dimanche au Caire, première étape de sa tournée régionale, John Kerry avait assuré que les États-Unis se tenaient aux côtés de leurs alliés dans une région déstabilisée par le Printemps arabe.

«Nous serons là pour l'Arabie saoudite, les Émirats, les Qataris, les Jordaniens, les Égyptiens et les autres. Nous ne laisserons pas ces pays être la cible d'attaques de l'extérieur», a-t-il affirmé.

Il a reconnu que Washington avait peut-être opté pour des «tactiques» différentes de celles de ses alliés sur le conflit en Syrie, mais assuré que tous avaient en fin de compte le même objectif.

«Nous partageons tous le même objectif, à savoir sauver l'État syrien et la mise en place d'un gouvernement de transition (...) qui puisse donner la chance au peuple de Syrie de choisir son avenir», a-t-il dit, en répétant que M. Assad ne pouvait pas en faire partie.

Washington, Moscou et l'ONU tentent non sans grandes difficultés de réunir à Genève une conférence internationale avec la participation du régime et de l'opposition afin de trouver une solution politique au conflit qui a fait selon une ONG plus de 120 000 morts depuis mars 2011.

L'opposition, très divisée sur sa participation, réclame des garanties que la conférence dite Genève-2 aboutira à un départ de M. Assad, ce que le régime rejette.

L'Arabie saoudite observe par ailleurs avec méfiance l'amorce d'un dégel entre Washington et l'Iran, pays allié du régime syrien, et une éventuelle participation de Téhéran à Genève-2.

«Nous sommes complètement d'accord avec les Saoudiens concernant leurs inquiétudes», a dit un haut responsable du département d'État. «Il n'est pas question pour nous d'assouplir notre position sur ce que les Iraniens ont fait pour soutenir des groupes terroristes à travers la région».

Pour exprimer son mécontentement, Riyad a annoncé le 18 octobre son refus de siéger au Conseil de sécurité de l'ONU, un acte sans précédent visant à protester contre l'inaction de cette instance.

Mais pour les analystes, les relations saoudo-américaines n'atteindront pas un point de rupture.

«Malgré le tollé saoudien, le fondement des relations entre les États-Unis et l'Arabie saoudite -la coordination dans le domaine des renseignements et l'endiguement militaire de l'Iran- est solide», écrit Frederic Wehrey, analyste au Carnegie Endowment for International Peace.