La récente décision de la Cour suprême d'annuler la loi de 2012 permettant l'emprisonnement sans procès des immigrants illégaux venus d'Afrique fait débat dans le pays: avancée des droits de l'homme pour certains, elle suscite aussi la colère de nombreux Israéliens et des partis de droite.

C'est une fournaise bétonnée, un purgatoire barbelé, une prison à ciel ouvert... À trois kilomètres de la frontière égyptienne, dans le désert du Néguev, Saharonim est le cauchemar de tous les immigrants clandestins d'Israël. Dans ce centre de rétention, plus de 2000 personnes, la plupart d'origine africaine, sont détenues dans des conditions déplorables. «Il n'y a ni climatisation ni chauffage malgré les températures extrêmes de la région. Il est presque impossible de se procurer des draps et l'hygiène est minimale», se souvient Daniel, un Ivoirien qui y a passé plusieurs mois.

Retrouvés par la police israélienne après avoir traversé à pied la frontière poreuse du Sinaï, les migrants sont conduits dans le centre en attendant un hypothétique procès ou une improbable libération. En effet, la loi prévoit que leur détention peut s'étendre sur une «période illimitée» supérieure à trois ans. «Quand il n'y a pas de relations diplomatiques entre Israël et leurs pays, les clandestins restent bloqués à Saharonim», explique Alusine Swaray, fondateur de l'ONG «African Workers Union in Israel».

Une situation déplorable contre laquelle Alusine Swaray n'est pas le seul à lutter. En mai dernier, l'association d'aide aux immigrés «Hotline For Migrant Workers» a réussi à faire reconnaître par l'État qu'être mineur constituait «une raison spéciale» de quitter la prison. Cette première victoire a été suivie en juin par une grève de la faim de 170 immigrants originaires d'Érythrée visant à sensibiliser les pouvoirs publics à leurs conditions de vie précaires.

Un message entendu

Le message a été entendu par la Cour suprême du pays: le 16 septembre dernier, les neuf juges ont annoncé leur intention de mettre fin à l'incarcération sans jugement des clandestins, considérant cette disposition contradictoire avec la nature démocratique d'Israël.

Cette décision suscite toutefois la colère d'une partie de la population. Sans papiers ni argent, les quelque 55 000 immigrés africains de Tel-Aviv passent leurs journées à attendre, dans le quartier populaire de Neve Shaanan, une potentielle embauche sur des chantiers. Pour des habitants du quartier, c'en est trop. «Ici, la délinquance a explosé depuis un an ou deux. Les Africains traînent toute la journée, volent les vélos et les téléphones. Mais ce n'est pas tout! Il y a aussi des viols et des assassinats», s'insurge Orna. Son opinion est contredite par un rapport de la police à la Knesset datant de 2010 qui indiquait que le taux de criminalité était proportionnellement moins important chez les migrants africains que dans le reste de la population israélienne.

Au-delà des statistiques, «le problème, c'est que ces affaires tragiques relèguent au second plan le véritable problème: comment aider ces populations en déshérence et rester un État juif?», souligne Orna.

Une question centrale pour le gouvernement israélien, qui dispose de 90 jours pour mettre en application la décision de la Cour suprême. Les partis les plus à droite de l'échiquier politique ont d'ores et déjà annoncé leur intention de trouver une solution pour empêcher la libération des détenus de Saharonim.