La phase de dépôt des candidatures à la présidentielle d'avril en Afghanistan s'achevait dimanche dans un intense ballet politique et avec l'entrée en lice remarquée, parmi les prétendants à la succession de Hamid Karzaï, de l'ancien ministre des Finances Ashraf Ghani.

Cette journée vient parachever des semaines de tractations entre personnalités politiques, anciens chefs de guerre et membres de l'actuelle administration afghane.

Turban blanc et longue chemise traditionnelle afghane, M. Ghani s'est présenté en milieu de matinée à la Commission électorale indépendante (IEC) de Kaboul accompagné de ses candidats aux postes de vice-présidents : l'ex-combattant communiste Abdul Rasheed Dostum et l'ancien ministre de la Justice Sarwar Danish.

«Nous avons besoin de réformes de fond», a déclaré cet économiste réputé, en promettant de faire du «combat contre la corruption» - cancer des fragiles institutions afghanes - et de la «jeunesse» ses priorités s'il est élu.

Candidat à la précédente élection présidentielle, en 2009, cet homme connu pour son tempérament impétueux était arrivé en quatrième position au premier tour avec 2,94% des voix, loin derrière M. Karzaï, réélu à cette occasion.

Quelques heures après M. Ghani, c'est le ministre des Affaires étrangères démissionnaire Zalmai Rassoul qui s'est à son tour présenté devant la commission électorale. Âgé de 70 ans, ce proche du président Karzaï parle couramment français, anglais, italien et arabe.

«Notre programme vise à protéger l'unité nationale, consolider les acquis de cette dernière décennie et renforcer la démocratie et l'économie», a-t-il déclaré au côté de ses vice-présidents potentiels, Ahmad Zia Massoud, un chef de parti politique, et Habiba Sarabi, gouverneur de la province de Bamyan et seule femme à occuper un tel poste dans le pays.

Le frère aîné du président, Qayum Karzaï, s'est également porté candidat. Escorté par un imposant dispositif de sécurité à l'IEC, il a loué le travail «fructueux» accompli par son frère, tout en plaidant pour des réformes, notamment économiques.

Face à l'afflux de candidats, l'heure limite de dépôt des candidatures, initialement prévue à 16h00 (7h30, heure de Montréal), a été repoussée jusqu'à 19H00 (10h30). Leur nombre total devrait avoisiner la vingtaine, soit environ deux fois moins que pour le scrutin de 2009.

Échéance cruciale pour l'avenir de l'Afghanistan

Plusieurs autres personnalités politiques avaient déjà fait acte de candidature cette semaine, dont l'opposant Abdullah Abdullah. Cet ancien ministre des Affaires étrangères, qui avait talonné M. Karzaï en 2009, fait figure de favori.

La course à la présidence compte également l'ancien chef de guerre controversé Abdul Rasul Sayyaf. La candidature de ce Pachtoune considéré comme un «mentor» de Khaled Cheikh Mohammed, cerveau autoproclamé des attentats de 2001, inquiète les capitales occidentales en raison de ses positions conservatrices.

La liste officielle des candidats sera publiée le 16 novembre.

La présidentielle aura lieu le 5 avril dans un contexte d'incertitudes alimenté par les violences persistantes dans le pays et le départ prévu fin 2014 des 87 000 soldats de l'Otan.

Elle désignera le successeur de M. Karzaï, seul homme à avoir dirigé le pays depuis la chute en 2001 des talibans, qui mènent depuis une violente insurrection contre les forces nationales afghanes et leurs alliés de l'Otan.

M. Karzaï, 55 ans, ne peut briguer un troisième mandat selon la Constitution.

Le scrutin sera observé avec attention par la communauté internationale, qui craint une réédition de l'élection de 2009, marquée par les fraudes et les violences commises par les rebelles.

Un scénario qui a de fortes chances de se reproduire, a estimé Martine van Bijlert, une experte du Réseau des analystes afghans.

«Il y a dans l'air une espèce de perception naïve selon laquelle cette élection pourrait être meilleure que les précédentes. Ce ne sera pas le cas», écrit-elle dans un article publié sur Internet.

Le chef de la mission de l'ONU en Afghanistan (Unama), Jan Kubis, a prévenu qu'un bon déroulement de la présidentielle était le «meilleur argument» que les Afghans pouvaient fournir pour convaincre les bailleurs de fonds de maintenir leur aide.

L'Afghanistan, un des pays les plus pauvres du monde, est sous perfusion des milliards de dollars d'aide internationale qui servent notamment à payer les salaires des forces de sécurité afghanes.