Le Liban en deuil enterrait samedi les dizaines de victimes fauchées dans le double attentat à la voiture piégée contre deux mosquées sunnites à Tripoli, la capitale du Nord, où les mesures de sécurité ont été renforcées pour prévenir de nouvelles attaques.

Le bilan de l'attentat de vendredi, qui n'a pas été revendiqué, s'est alourdi à 45 morts et quelque 280 blessés restaient hospitalisés, selon un dernier bilan des services de sécurité. Condamnée unanimement dans le monde, l'attaque est la plus meurtrière depuis la fin de la guerre civile au Liban (1975-1990).

Le chef du gouvernement sortant Najib Mikati a décrété un deuil national «en signe de solidarité avec les familles des victimes et de refus du terrorisme». Un arrêt de travail d'une heure a été notamment décrété.

M. Mikati a précisé qu'un dignitaire musulman était actuellement interrogé dans le cadre de l'enquête, sans élaborer. Selon l'Agence nationale d'information, il s'agit du cheikh Ahmad Gharib, une personnalité connue pour être proche du camp du Hezbollah chiite, accusé par ses détracteurs d'être impliqué dans l'attentat.

Plusieurs familles ont enterré à la hâte dans la nuit leurs morts en raison du mauvais état des corps. Des funérailles ont aussi été organisées dans l'après-midi pour sept des victimes, dont trois enfants d'une même famille.

Durant leur enterrement, des civils ont tiré en l'air alors que des slogans hostiles au Hezbollah et à son allié, le président syrien Bachar al-Assad, fusaient: «Mort au Hezbollah, Bachar espèce de porc».

Craignant de nouvelles attaques, l'armée a multiplié ses patrouilles à Tripoli. Toute voiture suspecte était fouillée.

Des hommes en civil armés étaient visibles devant les mosquées, près de sièges de partis politiques, de maisons de députés et de dignitaires religieux dans cette ville portuaire à majorité sunnite.

Le chef d'un de ses groupes, se faisant appeler Yehia, a assuré à l'AFP: «nous ne sommes pas contre l'autorité de l'État, mais nous devons assurer notre propre sécurité. Nous avons peur pour nos familles et nous fouillons chaque voiture».

Appels au calme

La capitale du Nord, d'habitude grouillante de monde, semblait paralysée: peu de circulation et magasins fermés, selon le correspondant de l'AFP sur place. Les examens de fin d'année ont été reportés.

Dévastés par la puissance des explosions, les sites des attaques, l'un dans le centre, l'autre près du port, étaient bouclés par l'armée qui continuait samedi de dégager les nombreuses carcasses de voitures calcinées. Des chaussures étaient encore éparpillées sur la chaussée.

Des personnes erraient à la recherche de proches. «Je cherche le mari de ma soeur. Voici sa voiture», a affirmé Mohammad Khaled, en montrant un véhicule endommagé. «Il est pâtissier, il venait de Beyrouth et passait par là».

La vague d'attentats risque d'exacerber les tensions confessionnelles au Liban, déjà fortes en raison du conflit en Syrie, qui a divisé le pays entre entre pro et antirégime syrien.

Mais les appels au calme se sont multipliés, alors que Tripoli est régulièrement le théâtre d'affrontements entre sunnites, qui soutiennent en majorité la rébellion syrienne, et alaouites (une branche du chiisme), favorables au régime Assad.

M. Mikati a estimé nécessaire «d'oeuvrer pour sortir de la polarisation politique».

Voulant affichant la solidarité avec les habitants de Tripoli en dépit des tensions confessionnelles, le Hezbollah a organisé un sit-in sur le site de l'attentat qui avait touché le 15 août la banlieue sud de Beyrouth, un de ses fiefs.

«Nous voulons l'unité, nous voulons être comme les doigts d'une seule main», a dit une femme à la télévision du Hezbollah, devant une pancarte sur laquelle est écrit «vos blessures sont les nôtres».

L'opposition syrienne a accusé le régime Assad d'être derrière l'attentat de Tripoli. «Les attentats de Tripoli et de la banlieue sud de Beyrouth sont un projet de dissension ourdi par un régime criminel d'un autre temps, pour provoquer un conflit odieux qui entraînerait la région vers la destruction et le chaos».

De son côté, Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) s'est dit, dans un message publié sur Twitter, «sûr que la main du Hezbollah» était derrière l'attentat de Tripoli, promettant de se venger «rapidement».

Le pouvoir en Syrie, les monarchies du Golfe et de nombreux autres pays arabes ont condamné l'attentat de même que les États-Unis, l'Union européenne et le Conseil de sécurité de l'ONU, qui a souligné «l'importance pour toutes les parties libanaises (...) de s'abstenir de toute implication dans la crise syrienne».