La police bahreïnie a empêché mercredi des manifestants de répondre à un appel d'un groupe de l'opposition chiite, Tamarrod, de se rassembler près de l'ambassade américaine à Manama pour protester contre le pouvoir sunnite.

La police a par ailleurs tiré des gaz lacrymogènes et des chevrotines en direction de centaines de personnes qui s'étaient aventurées dans les rues de plusieurs villages chiites proches de la capitale pour tenter de manifester, selon des témoins.

Le groupe bahreïni Tamarrod s'inspire du mouvement égyptien du même nom, à l'origine d'une mobilisation monstre dans la rue ayant conduit l'armée à déposer début juillet le président islamiste Mohamed Morsi.

Il a expliqué que l'objectif de la manifestation était d'instaurer une «véritable démocratie comme celles qui existent dans des pays occidentaux».

Le groupe avait appelé à un rassemblement à 16 h (9h à Montréal) près de l'ambassade américaine, mais un nouveau lieu a été annoncé plus tard, laissant entendre que cette première tentative de manifester s'était soldée par un échec.

Dans une déclaration vidéo postée sur internet Hussein Youssef, qui est présenté comme l'un des fondateurs de Tamarrod et qui vit à l'étranger, a appelé les manifestants à se rassembler, comme solution alternative, au carrefour d'Al-Sif, dans l'ouest de Manama.

Les autorités avaient affirmé leur intention d'empêcher la manifestation et un dispositif de sécurité exceptionnel avait été mis en place dès mardi soir à Manama et dans de nombreux villages chiites environnants.

«Le déploiement de forces de sécurité dans différents endroits du royaume est destiné à préserver l'ordre public et à assurer la fluidité de la circulation», a indiqué tôt mercredi le ministère de l'Intérieur.

L'opposition a indiqué pour sa part que les autorités avaient isolé plusieurs localités chiites, en coupant des routes avec des blocs en béton et des fils barbelés.

Ce dispositif est destiné à «empêcher les citoyens de manifester», a souligné le mouvement chiite Al-Wefaq, le plus important groupe de l'opposition, en accusant les autorités d'avoir «transformé certaines régions en prison».

Le ministère de l'Intérieur a pour sa part indiqué que des manifestants avaient tenté de bloquer dans l'île de Moharraq, à l'est de Manama, une route avec des pneus auxquels ils ont mis le feu avant une intervention des forces de sécurité.

Il a aussi affirmé que des «terroristes» avaient attaqué, à l'aide de cocktails Molotov, et blessé un travailleur asiatique qui était en train de dégager une route bloquée par des manifestants à Noueidrat, village chiite au sud de Manama.

En prévision du rassemblement de mercredi, le roi Hamad ben Issa Al-Khalifa a modifié la semaine passée la loi sur les rassemblements publics en interdisant toute manifestation dans la capitale du royaume, secoué depuis 2011 par un mouvement de contestation chiite.

Il a également promulgué des lois durcissant les sanctions contre les personnes participant à des manifestations interdites, de même que celles contre les parents dont les enfants mineurs prendraient part à des rassemblements.

Début août, Tamarrod avait adressé une lettre ouverte à l'ambassade américaine à Manama, en soulignant que les États-Unis avaient «la responsabilité morale de protéger les manifestants».

Le département d'État n'a pas voulu «spéculer sur ce qui pourrait ou sur ce qui ne pourrait pas se dérouler» mercredi, mais sa porte-parole adjointe Marie Harf a rappelé mardi que les États-Unis «soutenaient le droit de se rassembler pacifiquement et le droit à la liberté d'expression, y compris à Bahreïn».

«Nous restons très préoccupés par la poursuite d'incidents violents à Bahreïn et nous exhortons toutes les parties à (...) contribuer à créer un climat de dialogue et de réconciliation», a-t-elle plaidé.

L'ONU a de son côté appelé Bahreïn à «respecter ses obligations internationales en matière de droits de l'Homme, y compris celles concernant la liberté d'expression et de rassemblement pacifique».

Selon la Fédération internationale des droits de l'Homme (FIDH), au moins 80 personnes ont été tuées depuis le début de la contestation animée par les chiites, majoritaires, contre la dynastie sunnite des Al-Khalia.

Opposition et pouvoir sont engagés dans un dialogue national qui doit reprendre le 24 août, sans réelle perspective de progrès.