Un documentaire-choc propose une nouvelle version de l'histoire. Le retour massif des Juifs en Palestine et les tensions territoriales qui en découlent ont-ils été alimentés par un mythe?

C'est la thèse provocante que défend le réalisateur israélien Ilan Ziv dans un documentaire intitulé Exil - enquête sur un mythe, qui vient d'être projeté à Montréal.

Dans ce documentaire coproduit par l'Office national du film du Canada, M. Ziv s'intéresse à l'un des mythes fondateurs du peuple juif: la destruction du temple de Jérusalem par les Romains en l'an 70 après Jésus-Christ. Selon la religion juive, cette destruction a poussé les Juifs à l'exil. Depuis, le retour en Palestine occupe une place centrale dans la culture et la politique juives.

Or, selon la thèse exposée dans le documentaire, cet exil n'a jamais eu lieu. Démonstrations archéologiques à l'appui, Ilan Ziv révèle que les Juifs sont en fait demeurés en Galilée après la destruction du temple. Dans la ville de Tsipori, notamment, les artéfacts montrent que Juifs et Romains ont cohabité dans une certaine harmonie.

Des historiens interviewés dans le documentaire endossent cette vision, soulignant notamment que Rome n'a jamais chassé les populations des territoires qu'elle conquérait.

Selon le réalisateur, ces révélations historiques, loin d'attiser les tensions au Moyen-Orient, sont plutôt de nature à susciter l'espoir. «Ce que l'archéologie nous montre est une cité, Tsipori, qui était très complexe, très multiethnique, très tolérante, a-t-il dit à La Presse. On y voyait des phénomènes sociaux - une flexibilité de l'identité, notamment - qui sont inimaginables aujourd'hui. D'une certaine façon, je trouve qu'ils étaient plus modernes que nous.»

Des ancêtres inconnus

Cette vision de l'histoire jette un nouveau regard sur l'histoire d'Israël et fait prendre à certains évènements une tournure presque absurde. En 1948, par exemple, les Juifs expulsent des Palestiniens du village de Safouri, érigé sur les ruines de l'ancienne Tsipori. Or, selon le documentaire, il est probable que les gens chassés par les Israéliens soient en fait des descendants de Juifs qui se seraient convertis à l'islam il y a 1300 ans.

Le documentaire montre d'ailleurs des Palestiniens des environs qui pratiquent sans le savoir d'anciens rituels juifs, venant renforcer la thèse d'une cohabitation des deux cultures.

La thèse de l'exil mise en pièces dans le documentaire est fondamentale dans la culture juive. Elle figure notamment dans l'hymne national d'Israël et dans sa déclaration d'indépendance. Mais selon Ilan Ziv, elle est aujourd'hui devenue un «obstacle» à la paix dans la région. «Ce mythe a créé beaucoup de souffrances pour les Palestiniens et continue d'en créer. On ne peut pas le nier», dit-il.

Même s'il croit que la thèse de l'exil a contribué à la création de l'État d'Israël, Ilan Ziv refuse de remettre en question la légitimité de l'État hébreu au Moyen-Orient. « Il y a des millions de gens qui vivent en Israël, qui se sentent juifs et se sentent chez eux», dit ce réalisateur né en Israël qui vit maintenant aux États-Unis.

L'espoir est dans la jeunesse

Celui qui a perdu tout espoir de voir le conflit israélo-palestinien se régler à court terme espère que son film contribuera à changer les mentalités des générations suivantes, sur qui il compte pour apporter une solution politique aux tensions.

Un documentaire politique, donc, cette enquête sur l'exil des Juifs? «J'ai essayé d'être fidèle aux faits dans mon exploration de l'histoire, répond son auteur. Mais puisqu'à mon avis, d'autres regardent l'histoire avec moins d'objectivité, je crois que le documentaire contient effectivement un message politique.»

Exil - enquête sur un mythe sera offert en version payante sur le site de l'Office national du film dès le 2 juillet et est disponible en version anglaise sur iTunes.