Les trois juges français chargés d'enquêter sur l'hypothèse d'un assassinat de Yasser Arafat en 2004 ont auditionné mi-septembre sa veuve, préambule à une prochaine étape décisive consistant à prélever des échantillons sur la dépouille du dirigeant palestinien historique.

Souha Arafat, qui soupçonne un empoisonnement de son époux au polonium, substance radioactive hautement toxique, s'est rendue à Nanterre (ouest de Paris) pour une «audition de confirmation» de sa plainte avec constitution de partie civile déposée le 31 juillet, selon une source française proche du dossier.

«Oui, il y a eu une audition de la justice française pour recueillir mon témoignage. Elle a été longue et j'ai répondu aux questions en toute franchise pour faciliter leur mission et leurs travaux», a déclaré Souha Arafat, jointe à Malte par l'AFP.

Elle s'est déclarée «déterminée à faire éclater la vérité parce que le martyr Arafat est une personnalité arabe et internationale et la vérité sur sa mort intéresse tout patriote palestinien».

«Nous voulons aussi que l'ouverture d'une telle enquête dissuade toute partie ou toute personne d'assassiner un responsable palestinien à l'avenir parce que la vérité apparaîtra, quelle que soit la discrétion ou les capacités des exécutants», a expliqué Mme Arafat.

Le 26 novembre, les enquêteurs français se rendront à Ramallah (Cisjordanie), pour prélever sur le corps de Yasser Arafat des échantillons et les analyser, avait par ailleurs indiqué lundi à l'AFP une source palestinienne proche du dossier.

Débat jusque dans la famille

Entre-temps, les juges devraient recueillir le maximum d'éléments sur l'état de santé et l'hospitalisation de Yasser Arafat, dont la mort le 11 novembre 2004 à l'hôpital militaire de Percy, près de Paris, n'a jamais été élucidée.

Ils demanderont sans doute communication des analyses réalisées par l'Institut de radiophysique de Lausanne (Suisse), qui avait décelé «une quantité anormale de polonium» sur des échantillons biologiques prélevés sur des effets personnels du leader palestinien, confiés par la veuve à Al-Jazeera, et que la chaîne a remis au laboratoire.

Reste que l'étape décisive des prélèvements d'échantillons sur la dépouille «prendra du temps, peut-être plusieurs semaines, voire un mois», selon la source palestinienne, et fait débat jusque dans la famille du défunt.

«L'Autorité palestinienne a décidé d'unir les efforts et les travaux de la commission palestinienne, des enquêteurs français et des experts suisses sur la mort d'Arafat et consent à une ouverture de sa tombe pour prélever des échantillons de sa dépouille si cela est utile pour parvenir à la vérité», avait déclaré le 21 septembre à l'AFP le chef de la commission d'enquête palestinienne, Taoufiq Tiraoui.

Cependant, le neveu de Yasser Arafat et président de la fondation éponyme, Nasser al-Qidwa, est opposé à des prélèvements, estimant que le documentaire diffusé en juillet par Al-Jazeera a «apporté la preuve matérielle» de son empoisonnement par Israël.

Si l'empoisonnement est établi lors de l'instruction, s'ouvrirait alors une phase d'enquête encore plus complexe: établir les responsabilités.

Directement visé par les Palestiniens, Israël a répliqué en affirmant qu'«il n'était pas impliqué» dans la mort d'Arafat, sans exclure un assassinat par des responsables palestiniens rivaux.

Le polonium avait servi en 2006 à l'empoisonnement d'Alexandre Litvinenko, ex-espion russe devenu opposant au président Vladimir Poutine.