Les causes exactes de la mort de Yasser Arafat pourraient bientôt être éclaircies par des chercheurs suisses qui ont créé une tempête en découvrant des traces de polonium sur les effets personnels du défunt dirigeant palestinien.        

Une équipe de l'Institut de radiophysique du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), à Lausanne, vient d'être invitée par l'Autorité palestinienne à se rendre à Ramallah, en Cisjordanie, pour prélever des échantillons de la dépouille du raïs en vue de confirmer le résultat de leur analyse.

«Ils souhaitent que nous venions, et que nous venions rapidement», a indiqué hier à La Presse un porte-parole de l'établissement, Darcy Christen, en précisant qu'aucune décision définitive n'avait été prise à ce sujet.

L'établissement souhaite au préalable obtenir l'autorisation de la veuve de Yasser Arafat, Souha, qui réside en France. Elle a porté plainte en juillet pour «assassinat» après la diffusion d'un reportage de la chaîne Al-Jazira révélant la découverte du polonium. Ses avocats souhaitent que l'expertise scientifique soit réalisée en concertation avec les juges d'instruction qui seront désignés sous peu dans ce dossier.

Le journaliste Clayton Swisher avait fait appel à l'Institut de radiophysique pour faire analyser des vêtements portés par Arafat juste avant sa mort, en novembre 2004, dans un hôpital militaire de la région parisienne.

Au dire de M. Christen, les chercheurs ont été «surpris» de découvrir la substance radioactive en quantité «significative» dans des échantillons d'urine et de sang prélevés sur les vêtements. D'autant plus qu'il s'agissait de polonium «artificiel» - produit dans les centrales nucléaires par transformation de l'uranium - et non de polonium présent naturellement dans l'environnement.

Lors de l'hospitalisation de Yasser Arafat en France, des analyses avaient été menées par le Service de protection radiologique des armées afin de déterminer la source d'un hypothétique empoisonnement, sans rien révéler.

Mais les chercheurs n'avaient pas tenté d'identifier le polonium, qui a été utilisé avec succès quelques années plus tard en Grande-Bretagne, pour éliminer un espion russe passé à l'opposition, précise M. Christen.

Symptômes non reliés

Des spécialistes ont fait remarquer au cours des derniers jours que les symptômes présentés par Yasser Arafat ne correspondaient pas à ceux qui sont associés à une exposition au polonium.

«Nous avons été surpris une deuxième fois lorsque nous avons constaté que le tableau clinique ne correspondait pas [...] Mais il est vrai aussi qu'il n'y a que six cas documentés de cette nature et qu'on ne connaît donc pas très bien les effets du polonium», relève le porte-parole.

Puisque la substance radioactive se dégrade rapidement, l'institut suisse estime qu'il est important de procéder dans les deux mois qui viennent afin d'obtenir des résultats concluants.

Il y a un mois, la veuve de Yasser Arafat a expliqué que l'enquête d'Al-Jazira et les pressions exercées par sa fille l'avaient convaincue de saisir la justice française pour rouvrir le dossier. «C'est mon devoir de mère et d'épouse de rechercher la vérité, hors de tout contexte politique», a souligné Souha Arafat, qui a empêché la tenue d'une autopsie à la mort de son mari.

Les médecins français avaient alors refusé de donner des détails sur la cause de son décès en raison du secret médical, alimentant ainsi les rumeurs. Le rapport médical de l'hôpital, diffusé depuis, a révélé que le dirigeant palestinien souffrait de troubles hématologiques importants dont la cause n'avait pu être précisée. La possibilité d'un empoisonnement d'origine criminel avait été considérée, puis écartée après diverses vérifications.

Les révélations d'Al-Jazira ont ressuscité les interrogations sur les causes de la mort du dirigeant palestinien et le rôle potentiel des services de renseignements israéliens. La Fondation Yasser Arafat affirme que la présence de traces de polonium démontre «clairement» que l'ex-dirigeant a été empoisonné.

Le ministère israélien des Affaires étrangères a déclaré que le gouvernement n'était pas concerné par cette affaire malgré les accusations «farfelues» portées à son encontre.

Dans le quotidien israélien Haaretz, deux journalistes ayant enquêté sur la mort de Yasser Arafat affirment que l'État israélien n'avait aucun intérêt à faire assassiner le dirigeant palestinien, parce qu'il était alors affaibli politiquement.

Ils affirment par ailleurs que le gouvernement avait promis à l'administration américaine de ne pas éliminer Yasser Arafat, qui était confiné dans le quartier général de l'Autorité palestinienne depuis trois ans par les forces israéliennes.