Des centaines de combattants d'Al-Qaïda se sont retirés sous la pression des tribus d'une ville du centre du Yémen dans la nuit de mardi à mercredi et obtenu en échange la libération de cinq des leurs.

Les combattants du réseau avaient pris le 16 janvier le contrôle de Radah (130 km au sud-est de Sanaa), se rapprochant ainsi de la capitale après avoir conforté leur présence dans le sud et l'est du pays.

Des habitants de Radah ont tiré en l'air en signe de joie dans la nuit pour célébrer le départ des hommes armés, selon des témoins.

«Notre ville a pu éviter la guerre et le chaos», a affirmé un habitant, Fayçal al-Riachi, joint au téléphone par l'AFP.

«La vie revient à la normale, les gens commencent à ouvrir leurs magasins», a déclaré un autre habitant, Aref al-Amri.

Selon des dignitaires tribaux, les combattants d'Al-Qaïda se sont retirés de Radah sous la pression des tribus, fortement armées et hostiles à leur présence.

Les tribus de la province de Bayda dont fait partie Radah ont formé une délégation de 35 hommes qui a négocié le retrait, a indiqué un dignitaire tribal.

«Ils ont averti les hommes d'Al-Qaïda que les tribus auraient recours à la force s'ils ne se retiraient pas de la ville», a-t-il ajouté.

Les hommes d'Al-Qaïda avaient commencé par évacuer les bâtiments publics de la ville en fin de soirée. Des hommes armés des tribus se sont déployés à leur place dans les bâtiments évacués, à l'exception du fort historique de la ville qui a été confié à une unité de la Garde républicaine, corps d'élite de l'armée, avait indiqué à l'AFP un dignitaire tribal, Ali Ben Ali al-Salahi.

La force qui a pris le contrôle de Radah était conduite par Tarek al-Dahab, un beau-frère de l'imam radical américano-yéménite Anwar Al-Aulaqi, tué le 30 septembre dans une frappe américaine au Yémen.

Selon un dignitaire de la région, Ahmed Kalaz, les combattants d'Al-Qaïda  «se sont repliés sur al-Manasah», à 30 km au sud-est de Radah, ville natale de Tarek al-Dahab et fief de sa famille.

D'après ce médiateur, les combattants d'Al-Qaïda ont obtenu en échange de leur retrait la promesse d'une libération de 15 personnes liées au réseau détenues par les autorités, dont le propre frère de Tarek al-Dahab.

Ce dernier, Nabil, un jihadiste, avait été arrêté par la Syrie alors qu'il était de retour d'Irak puis avait été remis aux autorités de Sanaa.

«Cinq détenus d'Al-Qaïda, dont Nabil, ont été libérés mercredi», a déclaré à l'AFP Khaled al-Dahab, un autre frère du chef du groupe, indiquant s'attendre à la libération des dix autres.

«Si nos demandes ne sont pas satisfaites, nous prendrons les mesures qui s'imposent», avait indiqué à l'AFP un homme se présentant comme un membre des «Partisans de la Charia», nom sous lequel opère Al-Qaïda dans le sud et l'est du Yémen.

Cet homme, qui s'est uniquement identifié par le nom d'Abou Hammam, n'a pas précisé si le réseau retournerait à Radah.

À la faveur de l'affaiblissement du pouvoir central au Yémen depuis le début du soulèvement populaire contre le président Ali Abdallah Saleh il y a un an, Al-Qaïda a gagné du terrain dans le pays.

Des centaines d'hommes armés se réclamant des «Partisans de la Charia» (loi islamique) avaient déjà pris en mai Zinjibar, capitale de la province sudiste d'Abyane. Ils avaient aussi étendu leur contrôle à d'autres secteurs de la province et de celle voisine de Chabwa.

L'opposition avait alors accusé le président Saleh d'avoir livré la ville aux extrémistes pour agiter devant l'Occident le spectre d'Al-Qaïda.

Des dirigeants tribaux à Radah ont également accusé les forces gouvernementales de collusion avec les hommes d'Al-Qaïda.

«Saleh, la mascarade est finie», affirmait mercredi une banderole brandie par des habitants à Radah qui manifestaient leur joie dans les rues.

Le président Saleh doit remettre le pouvoir le 21 février au vice-président, en vertu d'un accord sur la transition politique.