Le président Nicolas Sarkozy a brandi vendredi la menace d'un retrait anticipé des troupes françaises d'Afghanistan et ordonné la suspension de leurs opérations après qu'un soldat afghan a tué quatre militaires français, deuxième incident de ce type en moins d'un mois.

L'attaque s'est produite dans le cadre d'un entraînement à l'intérieur de la base de Gwan, dans la zone de Tagab, dans l'est afghan. Une quinzaine de soldats français ont aussi été blessés, dont huit grièvement, selon le ministère de la Défense.

Les talibans ont salué le geste du «soldat afghan patriote» qui a tué les Français sans toutefois, contrairement à leur habitude, revendiquer l'action.

Les victimes n'étaient pas armées, ne portaient pas de gilet pare-balles, et participaient à une séance de sport, selon des sources sécuritaires.

«Nous sommes des amis du peuple afghan, des alliés du peuple afghan, mais je ne peux pas accepter que des soldats afghans tirent sur des soldats français», a réagi Nicolas Sarkozy, qui a précisé que le ministre de la Défense, Gérard Longuet, et le chef d'état-major des armées, l'amiral Edouard Guillaud, se rendaient «immédiatement» en Afghanistan.

«Toutes les opérations de formation, d'aide au combat de l'armée françaises, sont suspendues», a ajouté le président Sarkozy.

«Si les conditions de sécurité ne sont pas clairement établies, alors se posera la question d'un retour anticipé de l'armée française», a expliqué Nicolas Sarkozy, qui a promis d'évoquer cette question avec Hamid Karzaï. Le président afghan, qui doit effectuer une visite le 27 janvier à Paris, a présenté ses condoléances à la France, tout comme la Maison-Blanche.

Les États-Unis, qui ont perdu jeudi six soldats dans l'écrasement d'un hélicoptère, estiment que Paris ne mettra pas sa menace à exécution.

«Nous sommes en contact étroit avec nos collègues français et nous n'avons aucune raison de penser que la France ne va pas continuer à faire partie du délicat processus de transition» en Afghanistan, a déclaré la secrétaire d'État Hillary Clinton lors d'une conférence de presse.

Pour sa part, le Pentagone a indiqué qu'un retrait avant 2014 est une «décision que seul le gouvernement français peut prendre», tout en soulignant que la formation des forces afghanes était «cruciale».

Le ministre des Affaires étrangères Alain Juppé a précisé que c'étaient les conditions de recrutement de l'armée afghane qui étaient en cause. Les autorités de Kaboul doivent dire quelles mesures elles «s'engagent à prendre pour clarifier les modalités de recrutement de l'armée afghane et assurer au contingent français la sécurité».

À trois mois de l'élection présidentielle en France, la mort des quatre soldats peut relancer le débat sur la présence militaire en Afghanistan, décidée en 2001 par les socialistes et la droite, mais qui est de plus en plus contestée à gauche.

Le candidat socialiste à la présidentielle et favori des sondages, François Hollande, a ainsi réaffirmé vendredi sa volonté de retirer les forces françaises d'Afghanistan, «le plus rapidement possible, au plus tard à la fin de l'année 2012».

L'attaque rappelle fortement celle du 29 décembre, lorsque deux légionnaires français avaient été abattus par un soldat de l'Armée nationale afghane (ANA) dont ils assuraient la formation dans la province de Kapisa, au nord-est de Kaboul, région très infiltrée par la rébellion des talibans où se trouve la vallée de Tagab.

Selon un rapport classifié révélé par le New York Times, ce type d'actions ne constituent pas des incidents isolés comme l'affirme l'OTAN, mais un problème «systémique».

«Les altercations mortelles sont loin d'être rares et isolées, elles reflètent une menace systémique croissante», souligne le rapport, cité par le quotidien.

Les quatre Français décédés vendredi portent à 82 le nombre de militaires français tombés en Afghanistan depuis le début du déploiement de la force internationale fin 2001.

La France, 4e plus important contingent en Afghanistan, compte actuellement 3600 soldats, après le retrait de 400 de ses militaires depuis le mois d'octobre. Près de 130 000 soldats étrangers, aux deux tiers américains, sont déployés en Afghanistan.

Les forces françaises ont enregistré en 2011 leurs plus lourdes pertes depuis le début du conflit, avec 26 soldats tués en opération, dont cinq dans un attentat suicide le 13 juillet.

Elles sont fortement impliquées dans la formation de l'armée afghane, qui doit prendre le relais de l'OTAN après le départ de la force internationale, programmée pour 2014.

Selon un décompte de l'AFP, établi à partir du site indépendant icasualties.org, 2875 militaires étrangers ont perdu la vie en Afghanistan.