Le Québécois Daniel Bellemare ne sollicitera pas un deuxième mandat de procureur du Tribunal spécial pour le Liban (TSL). Des problèmes de santé le forcent à quitter son poste à la fin du mois de février.

«Ce fut un honneur et un privilège de faire progresser la justice au nom du peuple du Liban. Si cette mission longue et difficile est loin d'être achevée, des bases solides ont été jetées, qui permettront d'établir, dans le respect de la règle de droit, la culpabilité des auteurs de l'attentat du 14 février 2005 et d'autres attentats présentant un lien de connexité avec celui-ci», a déclaré M. Bellemare dans un communiqué publié hier.

Daniel Bellemare, qui est entré en poste en mars 2009, a reçu le mandat de juger les responsables de l'attentat qui a tué l'ancien premier ministre Rafic Hairiri et 22 autres personnes, le 14 février 2005 à Beyrouth. En janvier dernier, il a déposé un acte d'accusation devant le tribunal. Six mois plus tard, des mandats d'arrêt étaient délivrés contre quatre membres du mouvement islamiste chiite Hezbollah.

En ayant réussi à cibler une liste de suspects, M. Bellemare peut dresser un bilan positif de son passage au TSL, établi à La Haye, croit Sami Aoun, spécialiste du Moyen-Orient et professeur à l'Université de Sherbrooke. Il estime que le procureur a montré des «nerfs solides» et qu'il «est resté de glace devant ses opposants».

«Au début, il y avait un consensus libanais. Mais quand on a commencé à accuser la Syrie ou les pro-Hezbollah, il s'est mis à y avoir une forte division au Liban. Les pro-Hezbollah et les pro-Syriens ont considéré le tribunal comme un instrument américain sioniste pour casser le Hezbollah et nuire au régime al-Assad. De leur côté, les sunnites et les chrétiens, qui sont anti-Syriens, considéraient le tribunal comme étant le seul instrument pour que justice soit faite», explique M. Aoun.

Le mandat du procureur a été «exigeant», juge M. Aoun. Il a été entrecoupé de fuites d'informations et de tentatives d'attaques contre sa crédibilité. D'autres ont reproché à M. Bellemare sa lenteur à cibler des responsables de l'attentat. «Malgré la complexité et la fragilité de la situation libanaise, il aura réussi à ne pas se faire accuser d'attiser la discorde entre sunnites et chiites», dit Sami Aoun. Il s'agit là d'un grand défi de relevé, conclut-il.

Le successeur

Le successeur de Daniel Bellemare aura une tâche colossale. Le prochain procureur du Tribunal spécial pour le Liban devra cibler d'autres suspects qui pourraient être impliqués dans l'attentat qui a tué l'ex-premier ministre Rafic Hairiri. La liste de suspects pourrait s'allonger et comprendre jusqu'à 30 noms. Il devra également continuer de défendre son dossier devant le juge du Tribunal en plus d'insister auprès du gouvernement libanais pour qu'il retrouve les accusés et les arrête.