Le meurtre d'un célèbre journaliste a provoqué la colère des Irakiens, déjà furieux face à l'incapacité du gouvernement à répondre à leurs difficultés, alors que le chef de la lutte anticorruption a démissionné, se disant victime de pressions de la part de partis politiques.

Vendredi, une centaine de personnes, vêtues de noir, ont organisé des funérailles symboliques d'Hadi al-Mehdi, un journaliste de radio critique du gouvernement assassiné la veille dans son appartement à Bagdad.

Elles ont porté un cercueil recouvert du drapeau irakien et d'une photo de Hadi al-Mehdi, vers la place Tahrir à Bagdad, où s'étaient rassemblées 300 personnes pour protester contre l'absence de services publics décents huit ans après la chute du régime de Saddam Hussein.

«La voix de Hadi ne restera pas réduite au silence même s'ils l'ont assassiné avec un silencieux», a déclaré à l'AFP Hathem Hachem, 43 ans, qui tenait à la main un bouquet de fleurs en hommage au journaliste abattu d'une balle dans la tête pour, d'après lui, faire taire sa voix contemptrice du pouvoir et de la corruption.

À côté de lui, ses amis scandaient: «Les armes munies de silencieux détruisent notre pays», rappelant que depuis deux ans cette méthode est utilisée pour abattre les journalistes, policiers et hauts fonctionnaires.

Le journaliste était impliqué dans les réseaux sociaux qui appelaient à des manifestations hebdomadaires contre les autorités.

«Le martyr était très actif par le biais de Facebook dans le mouvement contre la corruption, le bâillonnement de la liberté et les violations de la Constitution et des lois», a affirmé à l'AFP Zaher al-Jamaa, 25 ans, un militant de la société civile.

Hadi al-Mehdi, 44 ans, père de trois enfants, animait un talk-show trois fois par semaine sur Radio Demozy.

Selon Reporters sans frontières (RSF) «l'impertinence de son ton, la justesse de ses critiques n'épargnait personne, n'hésitant pas à mettre en cause le premier ministre comme ses détracteurs, dénoncer la corruption, ou encore l'état déplorable du système éducatif».

Le premier rang du cortège portait une banderole reprenant un des derniers messages de Hadi al-Mehdi: «Je vis une situation horrible depuis trois jours; des gens m'appellent pour m'avertir que je vais être assassiné».

Hadi al-Mehdi était revenu en Irak en 2007, après près de 18 ans en exil.

Selon RSF, il est le septième journaliste irakien assassiné en 2011. Le 25 février, Hadi al-Mehdi avait été arrêté avec trois collègues, à l'issue de manifestations qu'il couvrait sur la place Tahrir. Menottés et les yeux bandés, ils avaient été roués de coups et font l'objet de menaces.

Human Rights Watch a insisté, dans un communiqué, sur «l'obligation pour les autorités irakiennes de mener une enquête immédiate, complète et transparente et de poursuivre en justice les responsables».

Philip Luther, responsable d'Amnesty International, a lui aussi condamné l'assassinat et souligné qu'il arrivait peu après le vote au Parlement irakien d'une loi censée protéger les journalistes.

«Le meurtre de Mehdi à peine un mois après l'adoption de cette nouvelle loi montre bien sa principale lacune», a-t-il noté, appelant à plus de protection.

Alors que l'Irak est considéré par Transparency International comme l'un des quatre pays les plus corrompus au monde, le chef de la lutte anticorruption en Irak a présenté jeudi soir sa démission.

Rahim al-Uqali, à la tête de la Commission pour l'intégrité (CPI), «a présenté sa démission (...) en raison des pressions qu'il subit de la part des partis politiques», a expliqué à l'AFP un responsable de son service de presse.

Dans un entretien à l'AFP en février, ce magistrat de 44 ans avait accusé les ministres de préférer couvrir la corruption plutôt que de la combattre alors que cet argent sale est la source principale de financement des insurgés.