Mis en difficulté au Parlement et meurtri par un assassinat politique à Islamabad, le gouvernement pakistanais a survécu à une semaine de tempête, mais en ressort affaibli comme jamais, face aux autres partis mais surtout aux islamistes qui progressent dans la société.

L'image qui restera de l'assassinat mardi de Salman Taseer, gouverneur du Pendjab et figure libérale du Parti du peuple Pakistanais (PPP) au pouvoir, ne sera pas son corps criblé de 29 balles à la sortie d'un café d'un quartier cossu de la capitale sans qu'aucun des gardes présents sur place n'intervienne.

Le pays, et principalement ses élites horrifiées par le crime, retiendront surtout l'arrivée jeudi au tribunal de son meurtrier présumé, Mumtaz Hussain Qadri, 26 ans, couvert de pétales de rose par des centaines de partisans.

Ils se rappelleront notamment que le lendemain du crime, le principal quotidien en ourdou du pays, Jang, a consacré sa première page à l'appel lancé par 500 responsables religieux déclarant que cet assassinat devait servir de «leçon» aux politiciens, intellectuels et autres médias libéraux.

Et du silence du gouvernement face à ces incitations à la haine.

«Où est l'État?» se demandait vendredi le quotidien en anglais Dawn, déplorant l'apathie du gouvernement face à cette «orgie de haine».

L'assassinat a été condamné à l'étranger par les États-Unis, allié d'Islamabad, qui lui demandent d'en faire plus contre les rebelles islamistes sur son sol, ainsi que par l'ONU et l'Union européenne.

Selon les autorités, après avoir abattu M. Taseer et s'être rendu, Mumtaz Hussain Qadri, membre d'une unité d'élite de la police gouvernementale, a expliqué qu'il ne pouvait accepter la position du gouverneur, favorable à une modification de la loi sur le blasphème

Salman Taseer avait publiquement soutenu et rendu visite en prison à Asia Bibi, une mère de famille chrétienne condamnée à mort après avoir été accusée d'avoir blasphémé contre le prophète Mahomet.

Mais il était bien le seul politicien de premier plan, outre la députée PPP Sherry Rehman, à oser ainsi défier les puissants réseaux conservateurs religieux, pour qui toute atteinte au Prophète est un casus belli.

Fin décembre, après une série de manifestations pour le maintien de la loi, le gouvernement avait souligné qu'il n'avait aucune intention d'y toucher.

Les suites de l'assasinat ont révélé l'ampleur de la progression de l'islamisme tant au sein de l'État et des services de sécurité que dans les couches les plus éduquées, comme en témoignent les milliers de messages de soutien à Qadri postés dès mardi soir sur le site de socialisation Facebook.

Le gouvernement n'avait pas besoin de cela: deux jours avant l'assassinat, sa coalition était devenue minoritaire au parlement après le passage dans l'opposition du Muttahida Qaumi Movement (MQM), l'un de ses principaux alliés.

M. Gilani s'est ensuite activé à recoller les morceaux, annonçant notamment l'annulation de l'augmentation des prix du carburant adoptée en décembre.

Vendredi, le MQM a annoncé son retour dans la coalition, éloignant au moins temporairement le spectre d'un renversement du gouvernement, en raison notamment de «la détérioration de la situation sécuritaire» dans le pays.

Car c'est bien la sécurité et la progression des islamistes dans un pays proche de la banqueroute et dépourvu d'un système éducatif public efficace, qui inquiètent le plus les principaux partis politiques comme les analystes.

«Toute le monde a peur des partis islamistes. Plus que les talibans, ils sont désormais la principale menace, aiguisée par les difficultés économiques», note l'analyste Hasan Askari. «Or le gouvernement ne sait pas y faire face, et finira un jour par s'effondrer, provoquant peut-être, une fois encore, l'intervention de l'armée» dit-il. «D'ici là, le pays va continuer à dériver».