Présenté comme le fruit d'une négociation entre Irakiens, l'accord de partage du pouvoir en Irak est surtout la conséquence d'influences étrangères, notamment de l'Iran et des États-Unis, estiment des experts interrogés par l'AFP.

Largement approuvé samedi par le Parlement, il ouvre la voie à la formation d'un gouvernement et met fin à une crise institutionnelle de huit mois alors que la sécurité est encore chaotique.

L'accord est intervenu mercredi après trois jours d'âpres négociations entre les dirigeants irakiens, réunis par le président de la région autonome du Kurdistan Massoud Barzani.

Pour le politologue irakien Ihsan al-Chammari, «l'accord est un compromis entre acteurs régionaux et internationaux», principalement Téhéran et Washington. Cette équation ressemble beaucoup à celle ayant permis la formation d'un gouvernement au Liban, il y a un an, mais les acteurs là-bas sont la Syrie et l'Arabie saoudite.

«L'Iran, qui a longtemps contrecarré les efforts des États-Unis pour former un gouvernement, semble désormais plus flexible, car il veut mettre en sommeil le dossier irakien pour se concentrer sur les négociations relatives à son programme nucléaire», affirme-t-il.

Interrompues depuis un an, les discussions sur l'épineuse question du nucléaire iranien devraient reprendre prochainement entre Téhéran et les six puissances qui suivent le dossier.

«Les États-Unis et l'Iran cherchent à gagner l'Irak et ce qui s'est passé à Bagdad est «le reflet de leur rivalité», a confirmé sous le couvert de l'anonymat un député de la liste Iraqiya de l'ex-Premier ministre Iyad Allawi.

«Ils veulent garder leur influence sans s'impliquer davantage dans le problème irakien car ils ont d'autres questions à traiter».

Les États-Unis ont pendant plusieurs mois préconisé la formation d'un gouvernement incluant l'ensemble des tendances irakiennes, y compris la minorité sunnite, qui a largement soutenu la liste Iraqiya.

Au final, le Kurde Jalal Talabani a été réélu président et devrait charger formellement la semaine prochaine, après la fête religieuse de l'Adha, le premier ministre sortant chiite Nouri al-Maliki de former un nouveau gouvernement.

M. Allawi, un chiite laïque qui a longtemps convoité le poste de Premier ministre, devrait hériter d'un nouvel organisme doté de pouvoirs exécutifs.

«M. Maliki a probablement réussi à s'imposer comme un choix acceptable pour l'Iran et les États-Unis, et représente un compromis entre les intérêts des États-Unis et de l'Iran», a déclaré le politologue Hamid Fadhil, de l'Université de Bagdad, qui ne croit en revanche pas au lien avec la question nucléaire.

Un conseiller de l'ambassadeur des États-Unis a affirmé samedi soir que le rôle de son pays s'était borné à «faciliter» les négociations.

Les Irakiens «nous considèrent comme un intermédiaire neutre», a-t-il affirmé à des journalistes. «Et je ne crois pas que quelqu'un d'autre dans ce pays puisse actuellement jouer ce rôle».

Pour sa part, le porte-parole iranien des Affaires étrangères, Ramin Mehmanparast, a qualifié dimanche l'accord de «pas important et constructif vers l'instauration de la sécurité et de la stabilité dans ce pays».

Saleh al-Moutlaq, un dirigeant d'Iraqiya, est convaincu que l'Iran est sorti vainqueur. «Ce pays a imposé sa volonté dans la formation du gouvernement irakien (...) et je ne crois pas aux assurances américaines car les États-Unis sont incapables de faire face à ces ingérences», a-t-il dit à Al-Jazira.

Pour M. Fadhil, il est évident que «ce gouvernement n'aurait jamais été formé sans l'Iran.»

Ibrahim al-Sumaidaie, un politologue indépendant, fait remarquer de son côté que «l'importance de l'équilibre régional transparaît dans la distribution des postes car il ne faut pas oublier que la stabilité de ce pays est le reflet de celle de la région, et vice-versa.»