Visites de mosquées, rencontres avec des chrétiens, séances photo avec des célébrités: l'ex-patron de l'AIEA Mohamed ElBaradei, devenu l'opposant le plus en vue d'Égypte, se lance dans une campagne de terrain pour plaider en faveur de réformes politiques.

L'ancien diplomate, âgé de 67 ans, veut ainsi entamer dans les prochains jours une tournée en province, en commençant par Mansourah, une grosse localité du delta du Nil représentative de l'Égypte profonde, pour une «rencontre populaire», a indiqué son entourage.

Musulman, il s'est rendu vendredi dernier à la grande mosquée al-Hussein du Caire, pour une prière suivie d'une promenade au milieu de badauds enthousiastes dans les rues du vieux quartier islamique.

Il envisage aussi de se rendre dans une église copte. «J'ai demandé d'assister à la messe de Pâques en tant que citoyen», a déclaré M. ElBaradei au journal al-Chorouq (indépendant) de mardi.

Une récente rencontre avec une dizaine d'acteurs populaires et de cinéastes en vue lui a valu des photos dans la presse non-gouvernementale.

«Nous parlerons à tout le monde, avocats, médecins, étudiants, agriculteurs, vieux, jeunes», déclare George Ishaq, un porte-parole de «l'Assemblée nationale pour le changement», formée par M. ElBaradei et des figures de l'opposition.

L'association réclame des élections libres et sans fraudes ainsi qu'une révision de la Constitution pour lever les restrictions pesant sur les candidats à la présidentielle.

L'ancien chef de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), prix Nobel de la Paix 2005, entend répondre à ses détracteurs qui l'accusent d'être plus à l'aise dans les couloirs de l'ONU que dans la rue égyptienne.

«Il essaye de faire du lobbying et de mettre une pression politique sur le régime par le biais du soutien populaire», affirme Amr Choubaki, du Centre Al-Ahram d'études politiques.

M. ElBaradei est rentré en février de Vienne où il a habité pendant 12 ans, pour être accueilli en héros par ses partisans à l'aéroport.

Sa campagne de terrain complète l'action déjà engagée avec de nombreuses interviews et une active mobilisation via Internet.

Il vient de poster sur le réseau social Facebook, où son groupe compte plusieurs dizaines de milliers de membres, un message appelant les Egyptiens à rejoindre son association «si vous êtes d'accord avec ses principes».

Mais M. ElBaradei, qui se dit prêt à se présenter à la présidentielle de 2011 à la condition que la Constitution soit amendée, fait face à des obstacles très réels.

Le président Hosni Moubarak (81 ans), au pouvoir depuis 29 ans et qui vient de subir une opération chirurgicale en Allemagne, n'a pas dit s'il comptait se présenter à nouveau.

«Si M. ElBaradei décide de se présenter conformément à la Constitution, il est le bienvenu. La seule chose à faire c'est rejoindre un parti politique», dit à l'AFP Ali el-Dine Hilal, un dirigeant du Parti national démocratique (PND, au pouvoir).

Mais M. ElBaradei rejette cette option, estimant que les partis homologués ont une marge de manoeuvre restreinte du fait du manque de neutralité de la commission nationale des partis, actuellement présidée par un cacique du PND.

M. Hilal concède qu'une candidature de M. ElBaradei «rendrait sans aucun doute la course présidentielle plus vivante et compétitive», mais en attendant, «il n'a toujours pas dit s'il se présenterait, et n'a pas présenté de programme».

Pour se lancer comme indépendant, M. ElBaradei aura besoin du soutien d'au moins 250 élus, dont au moins 65 membres de l'Assemblée nationale, 25 du Conseil consultatif (Sénat) et au moins dix élus municipaux, un objectif quasi impossible à atteindre.

«Il fait face à des défis pratiques, mais il en émerge comme une force morale», estime toutefois M. Choubaki.