Les tailleurs et vendeurs d'uniformes de Bagdad sont dans la ligne de mire du gouvernement après la multiplication des attentats commis par des insurgés portant des tenues militaires ou policières.

Les autorités viennent de les avertir que la vente doit être strictement contrôlée alors que jusqu'à présent quiconque pouvait acheter un uniforme, sur mesure ou prêt-à-porter. Le quartier Rachid, dans le centre de Bagdad, regroupe une grande partie des tailleurs d'uniformes. Dans une petite ruelle aux murs décrépis, le bruit des vieilles machines à coudre se fait entendre dans les magasins où les artisans s'activent sur leurs tissus.

«Il y a une dizaine de jours, des officiels du gouvernement sont venus nous demander de ne pas vendre des uniformes à n'importe qui. Désormais, nous devons réclamer une carte d'identité et un badge de la police ou de l'armée», explique Yahia Atayta, un artisan de 40 ans.

Mais c'est une «bonne chose. Des terroristes se déguisent en policier ou en soldat pour aller se faire exploser. Il faut que cela cesse», dit-il sans lever des yeux du morceau de tissu kaki qui se transforme rapidement sous ses doigts en un treillis.

Ces derniers mois, les insurgés ont commis des attaques spectaculaires et coordonnées à Bagdad qui ont signalé un changement de tactique: les cibles sont désormais les symboles du pouvoir comme les ministères et les tribunaux, et récemment les hôtels.

Mais les insurgés doivent affronter une sécurité renforcée et éviter d'être repérés aux milliers de barrages militaires, même s'ils peuvent compter sur l'aide d'officiers corrompus. S'habiller en policier ou en soldat facilite leur tâche.

«Nous avons pris ces mesures car la plupart des récentes attaques ont été commises par des hommes armés déguisés en militaires», assure un responsable du ministère de l'Intérieur qui a requis de l'anonymat car il n'est pas autorisé à s'exprimer sur le sujet.

Selon un officier de haut rang du ministère de la Défense, «tous les attentats suicide dans les régions de Diyala, Al-Anbar, Bagdad, Mossoul ou Samarra, ont été commis par des membres d'Al-Qaeda portant des uniformes militaires utilisés pour passer aux points de contrôle».

Cette méthode a été utilisée le 30 décembre lors de l'attaque contre le siège des autorités locales d'Al-Anbar qui a fait 23 morts et blessé le gouverneur de la province, a-t-il ajouté.

Mais selon les tailleurs du quartier Rachid, le problème réside non pas dans leurs échoppes, qui vendent surtout des uniformes sur mesure, mais au marché de Bab al-Charji, en face, où l'on peut trouver des stocks d'uniformes peu chers, importés de Chine.

Ici un costume se négocie pour 20 000 dinars (17 dollars) au lieu des 50 à 60 000 (43 à 52 dollars).

«S'ils arrivent à entrer à Bagdad et faire exploser des ministères ils peuvent très bien se procurer des uniformes», estime Jabbar Kazem Assad, un vendeur de 45 ans du bazar.

Il a dû signer en début de semaine une lettre s'engageant à ne vendre ses tenues militaires «qu'aux membres des forces de sécurité ou ceux possédant un badge officiel».

«Si un attentat se produit et qu'ils (les membres de la sécurité) découvrent que j'en ai vendu un, ils m'ont averti que la responsabilité de l'attaque me serait attribuée», ajoute le vendeur.

Les forces de l'ordre semblent elles-mêmes sceptiques sur l'efficacité de cette mesure.

«Les frontières sont ouvertes et les insurgés peuvent se procurer ce qu'ils veulent, ils n'ont pas besoin d'aller au marché», lance un policier présent chez un des tailleurs, refusant de donner son nom.