En transformant le centre de Kaboul en champ de bataille lundi pendant plusieurs heures, les talibans ont adressé un message clair au gouvernement afghan et aux forces internationales: nous pouvons frapper où et quand nous le voulons.

Pendant plusieurs heures, les habitants du centre de Kaboul sont restés terrés chez eux, les yeux rivés sur leurs postes de télévision pour suivre des scènes de guerre, à quelques centaines de mètres de chez eux.

L'opération commando menée par au moins sept talibans lourdement armés et munis de ceintures d'explosifs, visant le palais présidentiel, des ministères et un centre commercial au coeur de la capitale n'était pas la première du genre. Mais elle a frappé les esprits.

«L'ennemi n'a pas la capacité de combattre nos forces de sécurité en face à face. Les actes terroristes sont un phénomène que, malheureusement, nous allons devoir affronter pendant longtemps», déplorait le patron du renseignement afghan, Amrullah Saleh, quelques heures après la fin de l'attaque qui s'est soldée par la mort de cinq personnes, dont un enfant, et 71 blessés.

Sept kamikazes ont également péri, tués ou en faisant exploser leur bombe.

En attaquant le centre de Kaboul - le seul endroit d'Afghanistan où la sécurité est sous le contrôle des forces afghanes et non des 113 000 soldats des forces internationales - les talibans ont mis en lumière la vulnérabilité de la police et de l'armée, estiment certains.

«Kaboul est une ville ouverte, tout le monde peut y aller et venir, surtout dans le centre où marchés locaux et édifices gouvernementaux sont imbriqués», estime un habitant de Kaboul.

Fahim, propriétaire d'un magasin au 4e étage du centre commercial qui a brûlé dans les combats, estime que «les talibans ont obtenu un succès».

«Ils ont montré ce dont ils étaient capables», dit-il. Il a tout perdu.

«C'était une démonstration de force des talibans. Elle a montré le manque de coordination entre l'armée, la police et les forces de sécurité», affirme Wadir Safi, professeur de sciences politiques à l'université de Kaboul.

«Ils sont présents et peuvent être activés» à tout moment dans la capitale, estime l'universitaire.

«Les talibans de Kaboul veulent attirer l'attention alors que les talibans de Kandahar et du Helmand conduisent de nombreuses opérations», ajoute le professeur en référence aux provinces les plus dangereuses, dans le sud afghan.

De son côté, le commandement des forces internationales préfère mettre en avant le professionnalisme des forces afghanes qui, selon lui, ont évité un bilan beaucoup plus lourd.

Elles «ont géré efficacement la situation et doivent être félicitées pour cela», a estimé leur chef, le général américain Stanley McChrystal.

«Ces opérations peuvent certes se reproduire encore à Kaboul mais je pense que les forces de sécurité se sont améliorées et qu'elles ont pu empêcher dans le passé ce genre d'attaques», renchérit l'analyste Haroun Mir.

La gestion de la crise par l'armée et la police «est un signe que les forces afghanes peuvent assumer la responsabilité de la sécurité à Kaboul», selon lui.

«Néanmoins, Kaboul est une grande ville avec plus de 5 millions d'habitants, dont une majorité de pauvres. Et les talibans et Al-Qaeda peuvent en profiter et s'infiltrer», assure l'analyste.

Alors que Kaboul a été placée en «état d'alerte», l'enquête tente de déterminer quel groupe insurgé a mené l'opération, revendiquée à l'AFP par le commandement taliban.

La complexité de l'opération pourrait désigner, selon des experts, le réseau de Jalaluddin Haqqani, un ancien leader de la résistance à l'occupation soviétique dans les années 1980, aujourd'hui considéré comme proche d'Al-Qaeda, qui avait monté en 2008 une tentative d'assassinat du président afghan Hamid Karzaï.