Les talibans ont appelé samedi à boycotter le second tour de la présidentielle afghane prévu le 7 novembre, menaçant de représailles les électeurs qui se risqueraient à participer à ce «processus américain», alors que la campagne officielle démarrait le même jour.

«L'Émirat islamique informe à nouveau le peuple (...) qu'il faut boycotter ce processus», déclarent dans un courriel les talibans, qui avaient déjà appelé à boycotter le premier tour du 20 août et menacé les électeurs à l'époque.Les talibans préviennent que «tout électeur blessé sera responsable de sa situation» et appellent à «lancer des attaques contre les bases ennemies, empêcher les gens de participer à l'élection et bloquer la circulation des véhicules gouvernementaux et civils» pour l'élection.

Il s'agit de la première réaction des rebelles depuis l'annonce d'un second tour. Ces menaces et la désillusion des Afghans envers leurs politiciens font craindre une participation encore plus faible qu'au premier tour.

Peu avant celui-ci, entaché de violences et de fraudes massives, les talibans avaient formulé le même type de menaces, et la participation n'avait pas dépassé 38,7% au niveau national - parfois 5% dans les bastions insurgés du sud, entamant largement sa crédibilité.

Les attaques rebelles ont nettement augmenté durant l'été, au point que les pertes civiles et militaires, afghanes ou internationales, atteignent ces derniers mois des records absolus depuis que les talibans ont été chassés du pouvoir fin 2001.

Ces menaces sont énoncées le jour même de l'ouverture officielle de la campagne électorale du second tour, qui opposera le président sortant Hamid Karzaï à l'ancien ministre des Affaires étrangères Abdullah Abdullah.

Après de fortes pressions diplomatiques, M. Karzaï a accepté cette semaine de disputer un second tour.

Sur CNN, il a reconnu samedi que des dirigeants internationaux, dont le premier ministre britannique Gordon Brown, l'avaient personnellement pressé d'accepter un second tour.

Mais il a assuré que ces pressions n'étaient pas à l'origine de son accord: «J'ai senti que les Afghans se divisaient et pour des raisons de sécurité du peuple afghan et pour cimenter les traditions démocratiques en Afghanistan, j'ai donné mon accord pour un second tour, ce qui, je crois, est bon pour le pays», a-t-il dit.

Le résultat final du premier tour avait été annoncé mardi, deux mois exactement après le scrutin.

Plus d'un million de bulletins pour M. Karzaï, soit un tiers de ses voix, ont été annulés pour fraude. Il a finalement obtenu 49,67% des voix, contre 30,59% pour M. Abdullah.

Ce dernier, qui a sillonné l'Afghanistan pendant sa première campagne, restera à Kaboul cette fois. «Je ne pense pas qu'il y ait besoin d'une nouvelle campagne massive, car les messages et programmes d'Abdullah sont déjà diffusés», selon son porte-parole, Sayed Aqa Fazil Sancharaki.

Selon des diplomates, MM. Karzaï et Abdullah sont toujours en train de négocier pour tenter de conclure un accord qui éviterait un nouveau vote.

Mais M. Abdullah a exclu sur CNN de participer à un éventuel gouvernement Karzaï, et de nouveau accusé ce dernier et la Commission indépendante électorale (IEC), organisatrice du scrutin et considérée comme pro-Karzaï, d'avoir participé aux fraudes.

De son côté, le représentant spécial de l'ONU en Afghanistan, Kai Eide, a dit avoir «eu l'assurance de l'IEC que tout le personnel directement impliqué dans des fraudes ou employé dans des bureaux de vote où une fraude massive s'est produite ne seront pas réemployés».

M. Eide a prévenu que les experts de l'ONU vérifieront que le gouvernement afghan tient sa promesse, admettant qu'éliminer toute fraude sera impossible.