Le New York Times pousse un soupir de soulagement: le reporter Stephen Farrell, enlevé samedi dernier en Afghanistan, a été libéré hier. Mais sa libération a eu un coût important: son interprète afghan a été tué pendant le raid, de même qu'un soldat britannique et peut-être des civils.

L'enlèvement du journaliste et de son interprète a été gardé secret jusqu'à la nouvelle de la libération de Farrell hier. «Nous avons craint que l'attention médiatique augmente la pression et le risque couru par les victimes», a déclaré hier l'éditeur du Times, Bill Keller. Le journaliste et interprète afghan Sultan Munadi, qui travaillait avec Stephen Farrell, a été tué au cours du raid mené par des soldats britanniques. «Il représentait le meilleur de l'Afghanistan. C'était un honneur de travailler avec lui. Il était un journaliste, un collègue et un être humain extraordinaire», a affirmé David Rohde, un autre reporter du New York Times qui a travaillé avec M. Munadi.

Les deux journalistes avaient été enlevés samedi par des talibans alors qu'ils interviewaient des témoins du bombardement de l'OTAN dans le nord du pays. Hier, un commando britannique a attaqué la maison où se trouvaient les prisonniers, qui ont réussi à s'enfuir. M. Farrell a raconté avoir entendu des voix britanniques avant que M. Munadi ne s'avance en criant «Journaliste, journaliste». Une rafale de balles l'a fauché, selon M. Farrell, qui ne pouvait dire si les tirs étaient amis ou ennemis.

L'armée britannique a confirmé qu'un de ses soldats avait aussi été tué lors de l'assaut. Un journaliste afghan a également rapporté la mort de civils «y compris des femmes et des enfants» lors du raid, une information qui n'a pu être contre-vérifiée, selon le NYT. Le reporter Stephen Farrell, 46 ans, citoyen irlandais et britannique, n'a pas été blessé.

Stephen Farrell est le second reporter du New York Times à avoir été enlevé en Afghanistan cette année. En juin, David Rhode a échappé à ses ravisseurs après sept mois de captivité. Sa disparition avait aussi été gardée secrète par la presse.

L'attitude des médias envers l'enlèvement des journalistes a changé ces dernières années. Ceux des journalistes français Christian Chesnot et Georges Malbrunot (124 jours de captivité en 2004) et Florence Aubenas (157 jours en 2005) avaient été traités bruyamment pour mettre de la pression sur les négociations.

Dans le cas de David Rhode, l'éditeur du New York Times, Bill Keller, a expliqué avoir consulté d'autres entreprises de presse qui avaient déjà vécu pareille situation. «Il y avait un consensus assez fort pour dire que le danger augmentait lorsque la nouvelle devenait publique», a-t-il révélé au Washington Post en juin dernier. Lorsqu'il est question de vie ou de mort, dit Keller, «la liberté de publier est aussi celle de ne pas publier».