En arrivant à Bethléem, en Cisjordanie, pour assister au premier congrès du Fatah en 20 ans, plusieurs délégués ont dit aux médias qu'ils avaient l'impression d'assister à un «très grand mariage». Cependant, l'atmosphère de fête a vite tourné au vinaigre pour l'organisation politique palestinienne qui tente, en réunissant ses membres, de sortir de l'impasse. Survol des enjeux de cette réunion de famille orageuse.

Q Pourquoi le congrès que tient le Fatah à Bethléem est-il important?

R Depuis sa fondation en 1958 par un groupe de Palestiniens en exil, dont Yasser Arafat, le Fatah a réuni six fois ses membres. La dernière rencontre du genre a eu lieu à Tunis en 1989. Le congrès actuel, qui a débuté mardi, est le premier en 20 ans ainsi que le premier à se dérouler en territoire palestinien. Plus de 2300 personnes participent à cette rencontre, dont 500 délégués venus de l'étranger. La conférence survient alors que le Fatah, longtemps prédominant sur la scène politique palestinienne, fait face à une crise de leadership, à d'importantes dissensions internes ainsi qu'à une forte rivalité avec le Hamas, qui a remporté les élections législatives en 2006. D'ailleurs, dans un coup de force, le parti islamiste a décidé à la dernière minute de ne pas permettre à 400 membres du Fatah de la bande de Gaza de se rendre à Bethléem.

 

Q Quels sont les objectifs de la conférence?

R Lors de son discours inaugural, l'actuel chef du Fatah et président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a dit que son organisation politique a besoin d'orientations claires. En ce moment, le Fatah regroupe deux écoles: celle qui est favorable aux négociations avec Israël et celle qui prône la résistance armée. Dans son discours, Mahmoud Abbas a affirmé qu'il fallait donner la priorité au processus de paix, mais sans pour autant écarter le recours à la résistance non violente en cas d'échec. En plus de revoir les orientations du parti, les participants au congrès doivent aussi élire de nouveaux représentants aux hautes instances du parti, soit le Comité central et le Conseil révolutionnaire.

Q Quelles chances a Mahmoud Abbas de remettre sur pied son organisation?

R Hier, en début de journée, elles ne semblaient pas très bonnes alors que les modalités des élections sont devenues un point de discorde entre la vieille garde du parti, les leaders du Fatah de la bande de Gaza et les plus jeunes membres de l'organisation, tenus loin du pouvoir depuis 20 ans. Ces derniers accusaient Abbas d'avoir manipulé l'élection afin qu'ils soient de nouveau exclus des hautes sphères. Selon Associated Press, un compromis a été trouvé en fin de soirée et les élections devraient avoir lieu aujourd'hui. Les résultats seront déterminants.

Q Que signifie cette conférence pour le processus de paix au Proche-Orient?

R «Si Mahmoud Abbas sort du congrès comme l'homme qui est toujours aux commandes, il va rester le seul leader palestinien capable de négocier avec Israël», croit Sami Aoun, professeur de sciences politiques à l'Université de Sherbrooke. S'il en sortait perdant, cependant, le Hamas pourrait avoir le haut du pavé pour négocier avec le gouvernement israélien de droite présentement en place. «Beaucoup de gens croient que les radicaux israéliens et palestiniens pourraient s'entendre en déclarant une trêve de 10 ou 15 ans. La création de l'État palestinien serait ainsi écartée», estime le politologue.

- Avec Foreign Policy, AP, AFP, Al-Jazeera, le New York Times.